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Les pièges du maintien de bas salaires

Du 9 au 22 septembre 2022, le séminaire international sur « Les pièges du maintien de bas salaires » organisé par CNS « Cartel Alfa » F.N.CORESI (Confederaţia Naţională Sindicală « Cartel Alfa »/Fundaţia Naţională CORESI), en collaboration avec EZA et financé par l’Union européenne, a eu lieu à Amara, dans le Comté de Ialomiţa en Roumanie. Ce séminaire s’est déroulé au format face à face, et cinquante-trois représentants d’organisations de travailleurs originaires de Roumanie, d’Albanie, de Bulgarie, de France, de Chypre, de Moldavie, d’Italie et du Portugal y ont participé.

Les présentations induites intéressantes et le tas de débats montrant que le sujet était significatif et pertinent pour l’activité des participants et de leurs projets organisationnels. 

De plus, le sujet du séminaire a été considéré comme particulièrement opportun, la proposition d’une directive adéquate relative aux salaires minimum dans l’Union européenne venant juste d’être adoptée par le Parlement européen et étant en instance d’approbation par le Conseil. 

Les vastes sujets abordés étaient les suivants : 

  • Le salaire minimum national – l’instrument de politique sociale pour la convergence au niveau européen 

Nonobstant le principe de subsidiarité de l’Union européenne, le débat était centré sur l’efficacité du salaire minimum national en tant qu’instrument de convergence au niveau européen et sur ses limites si celui-ci n’est pas complété par une variété d’autres instruments et d’autres politiques tels qu’une imposition équitable et la convention collective. Devrait-il y avoir une convergence des systèmes d’imposition à travers l’Europe, du moins pour les salaires minimum ? Mais qu’en est-il des prix équitables, et non seulement des salaires équitables ? La conclusion, qui a émergé du panel, était qu’une nouvelle politique salariale et une imposition plus adéquate devaient être mises en œuvre au niveau national et européen. Il est nécessaire de réformer et de créer les conditions préalables à la durabilité des systèmes de retraite, de santé et éducatifs.

  • Le salaire minimum et la négociation collective. Les points de vue des partenaires sociaux sur la directive européenne relative aux salaires minimum adéquats – les implications et les plans d’action 

Le vaste consensus consistait à ce que l’adoption récente et les dispositions de la  directive étaient la preuve du développement positif et une étape encourageante dans la bonne direction. Bien que celle-ci ne soit pas parfaite, modérée dans son but et largement inefficace, car elle laisse l’application aux législations nationales, la directive adoptée récemment est in bon point de départ pour améliorer la situation sur le marché du travail, notamment dans les pays d’Europe orientale, où les politiques et l’avantage compétitif des bas salaires des décennies écoulées ont approfondi les inégalités sociales, la pauvreté et alimenté la migration et la fuite des cerveaux. 

  • Les salaires minimum et la convention collective pour une vie décente – une évolution radicale au niveau européen ? Les contextes et les défis pour la Roumanie.

Considérant que l’instrument des négociations collectives devait rester l’instrument principal dans la détermination des salaires, la Commission a inclus dans la directive la condition de couverture salariale dans les conventions collectives, dans une proportion de 80 % au moins au niveau national. Actuellement en Roumanie, la couverture de la convention collective est seulement de 20 %. En fait, la Roumanie est l’un des cas les plus illustratifs où l’affaiblissement de la convention collective et du pouvoir syndical est dicté par la législation restrictive (L62/2011-  Loi sur le dialogue social) a entrainé de bas salaires et des inégalités de revenus. L’année dernière, cette réalité a donné lieu à une vaste action européenne organisée par Cartel ALFA, dénonçant la politique des bas salaires en Roumanie et exigeant une action au niveau européen menant à la condition incluse par la Commission européenne dans Le PNRR de Roumanie relatif à la modification de la loi sur le dialogue social.  

  • Expériences des partenaires sociaux nationaux impliqués dans les négociations avec les gouvernements dans la mise en œuvre de la future directive sur les salaires minimum adéquats.  

Les travailleurs les moins bien payés d'Europe ont vu la valeur de leurs salaires chuter de 19 % cette année, ce qui représente la plus forte baisse des salaires minimum réels de ce siècle, selon une étude de la CES basée sur les données d'Eurostat. Cela signifie que la valeur réelle des salaires minimums légaux a baissé en moyenne de 5,5 %, laissant des millions de travailleurs en Europe lutter pour faire face aux coûts les plus basiques de la vie comme la nourriture, le loyer et l'énergie. La directive européenne sur le salaire minimum, qui a fait couler beaucoup d'encre ces derniers temps, n'est pas une solution unique. Toutefois, elle prend en compte les différentes traditions et points de départ et renforce le rôle des partenaires sociaux et de la négociation collective. Les expériences des participants au Portugal, à Chypre, en Bulgarie, en Moldavie, en Albanie, ont été discutées.

  • La pauvreté au travail et l’inégalité salariale. Propositions de stratégie anti-pauvreté

Dans de nombreux pays, les inégalités au niveau national ont pris des proportions dangereuses et différentes dimensions – concernant le revenu, les salaires, le développement régional, entre le petit entrepreneuriat et le commerce oligarque. Elles représentent un grand danger pour la paix sociale et la préservation de la démocratie.

Si nous considérons la pauvreté, nous devons regarder les données et les instruments pour mesurer la pauvreté, ceux-ci pouvant parfois être trompeurs. Par exemple, le mesurage normalisé de la pauvreté relative au niveau européen, le revenu inférieur à 60 % du salaire moyen si la distribution salariale est équilibrée. Au contraire, si la grande majorité des salaires sont concentrés au bas de l’échelle, cet indicateur perd de sa pertinence. La présentation et les commentaires sur ce panel mènent à un débat animé sur la signification du mot « adéquat », comme défini par la directive et les instruments de mesure de l’adéquation des salaires minimum, dont la valeur du panier de biens/coûts est ce qu’il y a de plus important. 

La partie applicative du séminaire incluait une étude de cas de la négociation collective et des pratiques de fixation des salaires dans une entreprise multinationale située à proximité de l’emplacement du séminaire : Ulcom-Expur. La discussion a appliqué le message que le dialogue social constructif et la négociation collective durable étaient essentiels, non seulement afin de garantir une vie décente aux travailleurs, mais également pour augmenter la productivité et pour obtenir des résultats économiques.

Au cours du séminaire, les intervenants invités ont présenté leur matériel et offert aux participants l’occasion de le commenter, de poser des questions et de réfléchir sur les données rapportées. Le résumé des conclusions des trois journées d’échange d’idées et de meilleures pratiques ont mené à quelques points et directions d’action auxquels les participants ont consenti:

  • La directive relative aux salaires minimum adoptée récemment est une étape dans la bonne direction et une amélioration, en même temps, nous avons besoin de la demande de protection des travailleurs au niveau national et européen ;
  • Parmi les instruments listés dans la directive pour la définition et le mesurage de l’adéquation des salaires minimum, la chose la plus importante à considérer est la valeur du panier de biens/coûts permettant de garantir une vie décente. 
  • Une nouvelle politique salariale et une imposition plus adéquate doivent être mises en œuvre au niveau national et européen. Il est nécessaire de réformer les systèmes d’imposition et de créer les conditions préalables à la durabilité des systèmes de retraite, de santé et éducatifs.
  • Le dialogue social est essentiel pour une mise en œuvre efficace de la directive relative au salaire minimum adéquat.
  • Les syndicats doivent lutter pour obtenir un niveau plus élevé de rémunération des travailleurs dans tous les domaines, de manière à ce que les résultats de l’activité économique soient distribués équitablement parmi tous les travailleurs.