EZA MAGAZINE
EZA PODCAST

De la proposition à l’impasse : le parcours mouvementé de la directive européenne sur le travail de plateforme

La France, l’Allemagne, la Grèce et l’Estonie sabordent la proposition de directive au Coreper

En décembre 2023, la présidence espagnole du Conseil de l’UE était parvenue à un accord provisoire sur la directive relative au travail de plateforme. Elle a toutefois dû reconnaître, à la fin de l’année, l’absence de majorité au Conseil pour adopter cette proposition. La présidence belge a repris le dossier et tenté de trouver un accord dans le cadre de son mandat, mais sa proposition a de nouveau été rejetée au Coreper le vendredi 16 février 2024.

Pourtant, la réglementation des conditions de travail des travailleurs des plateformes au niveau de l’UE reste d’une importance capitale. À l’heure actuelle, les conditions de travail des gig workers souffrent d’abus, d’exploitation et d’une ambiguïté considérables. Le plus souvent, ces travailleurs sont classés comme indépendants malgré l’existence d’une relation semblable à celle qui existe entre un employeur et un salarié.

 

La classification correcte des travailleurs indépendants

Dans leur grande majorité, les 28 millions de travailleurs des plateformes dans l’UE, y compris les chauffeurs de taxi, les employés de maison et les livreurs de repas, sont officiellement des travailleurs indépendants. Toutefois, nombre d’entre eux sont soumis aux mêmes règles et restrictions que les travailleurs salariés et devraient donc bénéficier des droits du travail prévus par la législation nationale et européenne.

L’accord provisoire espagnol proposait que ces travailleurs soient légalement présumés salariés si leur relation avec la plateforme remplissait un certain nombre de conditions.

D’après l’accord provisoire belge, la directive exigeait des pays de l’UE qu’ils établissent une présomption légale réfutable de salariat au niveau national. Cela visait à corriger le rapport de force inégal entre la plateforme et les travailleurs, facilitant la correction du faux travail indépendant.  En vertu de cet accord, la charge de la preuve reviendrait à la plateforme. Si une plateforme souhaite contester la présomption d’une relation d’emploi, elle doit prouver que la relation contractuelle ne constitue pas un emploi.

 

Réglementation de l’utilisation des algorithmes

Un deuxième aspect important de la directive concernait la nécessité d’une utilisation transparente des algorithmes. Les plateformes sont tenues d’assurer une surveillance humaine des décisions clés affectant leurs travailleurs. Selon les nouvelles règles, un travailleur ne peut, par exemple, être licencié sur la base d’une décision prise uniquement par un algorithme ou par un système de prise de décision automatisé.

 

La route est encore longue

Cet accord s’est toutefois heurté à l’opposition des représentants de la France, de l’Allemagne, de la Grèce et de l’Estonie, et n’a donc pas obtenu la majorité requise de 65 % de la population de l’UE au sein du Conseil.

Ludovic Voet, secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats (CES), exhorte désormais la Commission européenne et les 23 autres États membres à agir.