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Diligence raisonnable en matière de droits de l'homme (HRDD) : renforcement des partenaires sociaux, des représentants des travailleurs, des membres des comités d'entreprise (européens)

Le séminaire portant sur « Diligence raisonnable en matière de droits de l'homme (HRDD) : renforcement des partenaires sociaux, des représentants des travailleurs, des membres des comités d'entreprise (européens) pour intégrer activement la législation européenne HRDD dans le dialogue social », organisé par BIE Int. (Bouw-Industrie & Energie International), avec le soutien d’EZA et financé par l’Union européenne, s’est déroulé à Bruxelles en Belgique, les 15 et 16 févriers 2023.  

Quarante représentants syndicaux originaires de douze différents pays européens ont participé activement au séminaire. Les pays représentés étaient la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, l’Italie, l’Espagne, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, le Royaume-Uni (en tant qu’invités), la France, l’Autriche et la Turquie.   

Au cours de ce séminaire nous avons zoomé le dialogue social au sein des entreprises multinationales. Et également la conduite de ces entreprises dont les chaînes de valeur s’étendent parfois jusqu’aux plus petits coins de notre planète et où le respect des personnes et de la nature n’est pas toujours évident. Les pays, les citoyens, les travailleurs et les consommateurs veulent de plus en plus être surs que les produits qu’ils achètent ont été fabriqués dans le cadre de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Et cela a lieu dans le respect de l’environnement et des droits de l’homme.

Plusieurs experts nous ont donné un aperçu des défis européens et mondiaux dans le domaine de la DRDH. Nous souhaitons exprimer notre sincère gratitude aux divers intervenants. 

Le concept de la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme

Le séminaire a commencé par une introduction détaillée sur le thème de la diligence raisonnable, expliquant étape par étape pourquoi et comment les entreprises doivent éviter de violer les droits d'autrui et traiter les impacts négatifs auxquels elles sont confrontées en identifiant, prévenant, atténuant et rendant compte de la manière dont elles abordent leurs impacts sur les droits..  

Le concept de diligence raisonnable n'est pas nouveau ; il a été introduit par les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme (« PDNU ») et incorporé dans les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales (« « Principes directeurs de l'OCDE ») pour s'étendre à d'autres domaines de conduite responsable des entreprises, tels que l'environnement et le changement climatique, les conflits, les droits du travail, la corruption, la divulgation et les intérêts des consommateurs, ainsi que dans la déclaration de principes tripartite de l'OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (« Déclaration sur les entreprises multinationales »)..

Progrès législatif envers les lois nationales et européennes sur la diligence raisonnable

Un aperçu du statut des divers débats entamés dans les différentes juridictions, ainsi que l’engagement pris par l’Union européenne pour adapter la législation européenne ont été présentés et discutés avec les participants pendant le séminaire.

Huit composants de la législation efficace et contraignante sur la diligence raisonnable

Les initiatives sont discutées aux divers niveaux du gouvernement, mais il y a divers obstacles à s’adapter clairement et à relier les cadres égaux. 

Les initiatives multipartites sont nombreuses et recherchées par les marques pour faire face à leur risque de réputation. Ces initiatives sont des partenariats entre les entreprises, la société civile, les syndicats et parfois les représentants des gouvernements qui cherchent à travailler ensemble pour relever les défis communs en matière de conduite responsable des entreprises. Les initiatives multipartites peuvent être utiles pour engager le dialogue avec les entreprises, mais uniquement dans la mesure où les syndicats peuvent jouer un rôle influent dans la définition des normes et des mécanismes de contrôle.

Au cours du séminaire, la focalisation sur la législation obligatoire sur la diligence raisonnable et les différents composants pour la rendre efficace ont été soulignés.

Nous pouvons conclure que pour être efficace et contraignante, l’obligation de diligence des entreprises doit : 

  1. concerner  toutes les entreprises, indépendamment de leur taille et de tous les secteurs ;
  2. s’appliquer à la chaîne de valeur complète des entreprises et de leurs filiales/succursales ;
  3. imposer le respect de tous les droits humains, sociaux et environnementaux internationalement reconnus, y compris des droits du travail et des droits syndicaux ;
  4. être transparente ; 
  5. intégrer la responsabilité civile (indemnisation des victimes en cas de préjudice) et responsabilité administrative (en cas de non-respect des obligations ;
  6. prévoir le contrôle et des mécanismes de sanctions, ainsi que des recours : ➔ accès réel à la justice pour les victimes ; 
  7. renversement de la charge de la preuve : 
  8. garantir l’implication des syndicats tout au long du processus ;  

Instruments internationaux de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et dialogue social

Le mouvement ouvrier peut utiliser son influence à différents niveaux de la chaîne de valeur pour travailler en vue d’une meilleure approche des droits des travailleurs dans les pays ayant une faible présence syndicale. 

Différents outils existent aujourd’hui : 

  • La/les législation (s) nationale(s)  
  • La directive européenne future 
  • Dans les secteurs considérés comme plus touchés par les droits de l’homme et les violations environnementales, l’UE a adopté des réglementations sectorielles qui ont force de loi. Cela signifie que les États membres doivent introduire des sanctions au cas où l’entreprise manquerait à ses obligations de diligence raisonnable
  • Futur traité des Nations unies : Traité international  en cours de discussion : les Nations unies mènent actuellement des discussions approfondies en vue d'élaborer un traité sur les entreprises et les droits de l'homme qui, une fois ratifié par les pays, créerait un cadre contraignant en matière de droits de l'homme et de développement durable pour les multinationales.. 
  • Principes directeurs des Nations unis sur les entreprises et les droits humains (non contraignants)
  • Principes directeurs de l’OCDE pour les entreprises multinationales (non-contraignants)
  • Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (OIT ‒ non contraignante)
  • Réglementations sectorielles européennes (par ex conflit règlement sur les minéraux, règlement sur le bois)
  • Rapport non financier (future directive sur le rapport de durabilité)
  • Autres initiatives nationales (loi française, allemande,...)
  • Initiatives multipartites (par ex. initiative TruStone)
  • Les accords-cadres mondiaux : un accord-cadre mondial engage l'entreprise à respecter la liberté d'association et le droit à la négociation collective. Il établit des canaux de communication entre la direction et les syndicats, ainsi que des mécanismes de contrôle permettant aux travailleurs de jouer un rôle dans la garantie d'une conduite responsable de l'entreprise.
  • Accords entre les entreprises et les syndicats (par exemple, l'accord international ‒ l'accord du Bangladesh) ; l'accord du Bangladesh, suite à la catastrophe du Rana Plaza : dans sa forme actuelle, l'accord prévoit des inspections indépendantes et des programmes de restauration. Des programmes de formation sont en place. L'accord vise également à protéger le droit des travailleurs à refuser un travail dangereux et à la liberté d'association. 

La diligence raisonnable et le dialogue social – quel est le rôle des CEE ?

La Directive sur le DRDH exige des entreprises qu'elles travaillent en étroite collaboration avec les « parties prenantes », et donc avec les syndicats. Les CEE peuvent donc devenir un levier supplémentaire pour l'influence des syndicats.

Les informations sur les pratiques de diligence raisonnable de l’entreprise se trouvent principalement dans le rapport annuel non financier = les rapports de développement durable, mais les informations fournies sont souvent incomplètes et parfois trompeuses. D'autres sources d'information doivent être recherchées. 

Du point de vue syndical, l'objectif est de s'assurer que le devoir de vigilance est un processus permanent et continu, intégré dans toutes les activités de l'entreprise, qu'il fait partie de la politique commerciale de l'entreprise et qu’il n’est pas seulement un exercice ponctuel..

La DRDH doit devenir un point récurrent de l'ordre du jour des organes de consultation nationaux et transnationaux, y compris des CEE.

Un dialogue continu doit être établi et la gestion doit être tenue responsable des résultats des mesures prises.

Conclusion

Le séminaire a tenté de faire la lumière sur les possibilités d'utiliser la diligence raisonnable comme outil pour promouvoir ‒ ou imposer ‒ un plus grand respect des droits de l'homme dans les chaînes d'approvisionnement européennes et mondiales. Comme on peut s'y attendre, ce n'est pas une tâche facile. Mais ce n'est pas non plus une tâche à prendre à la légère.

La pandémie de COVID-19 a douloureusement démontré que nous étions encore loin d'avoir des chaînes d'approvisionnement durables et inclusives. Les cadres réglementaires et non réglementaires existants offrent déjà de nombreuses possibilités d'intégrer les droits de l'homme dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Dans le même temps, la Directive européenne, et par conséquent la législation nationale sur les marchés publics, continuent de mettre l'accent sur l'action volontaire des acteurs.

L'évolution de la diligence raisonnable en matière de droits de l'homme et d'environnement pour les entreprises de l'UE est illustrée par des lois spécifiques sur les droits de l'homme et la diligence raisonnable en matière d'environnement, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Des propositions de loi ont également été déposées en Allemagne, en Belgique, au Danemark et en Finlande. Ces textes montrent que les entreprises de l'UE s'attendent de plus en plus à être soumises à des obligations de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme et d'environnement.

En Flandre et en Belgique, comme ailleurs, les acheteurs publics font leur premiers pas vers des pratiques d'achat plus socialement responsables. Cela inclut un nombre croissant d'initiatives pilotes dans le domaine des droits de l'homme et des conditions de travail dans les chaînes d'approvisionnement mondiales, telles que l'initiative TruStone. Cependant, la viabilité à long terme de ces efforts risque d'être compromise par l'absence d'un cadre politique cohérent et global fournissant des orientations et un soutien clairs aux acheteurs publics ou aux entreprises impliquées dans les marchés publics.

L’une des leçons les plus importantes tirées des discussions du séminaire concerne les limites d'une approche politique fondée uniquement sur la législation. Nos échanges avec les participants suggèrent clairement que la législation seule ne suffira pas. Au contraire, la législation doit faire partie d'un ensemble équilibré et intelligent de mesures politiques, mais elle doit aussi encourager les entreprises à s'adresser à d'autres parties prenantes (consommateurs, syndicats, etc.).

L'engagement significatif des parties prenantes est un élément important du processus global de diligence raisonnable. Il est important d'impliquer les parties prenantes et les détenteurs de droits potentiellement concernés avant de prendre toute décision susceptible d'avoir un impact sur eux. Les relations industrielles sont une forme d'engagement des parties prenantes qui garantit un engagement permanent entre les entreprises et les syndicats. Les entreprises devraient donc s'associer ou conclure des accords directement avec les syndicats afin de faciliter la participation des travailleurs à la conception et à la mise en œuvre des processus de diligence raisonnable, à l'application des normes relatives aux droits des travailleurs et au dépôt de plaintes. Dans le même temps, il convient de préciser que les droits à la liberté d'association et à la négociation collective sont des droits à part entière que l'entreprise est tenue de respecter et à l'égard desquels elle doit faire preuve de diligence raisonnable.