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Les organisations de travailleurs : acteurs des politiques anti-inflation européennes et moteurs de l'innovation

Du 21 au 22 mars 2023, la conférence annuelle d'EZA a eu lieu à Bruxelles, cette année sur le thème « Les organisations de travailleurs : acteurs des politiques anti-inflation européennes et moteurs de l'innovation ». La conférence a été financée par l'Union européenne. 70 représentants d'organisations de travailleurs de Belgique, d'Allemagne, des Pays-Bas, de France, d'Espagne, du Portugal, d'Italie, de Malte, de Roumanie, de Bulgarie, de Pologne, de Lituanie, d'Autriche, du Luxembourg, d'Albanie, de Serbie et de Grèce ont participé à la conférence.

La conférence a débuté par un aperçu de l’agenda social de l’UE dans le contexte de la hausse de l’inflation réalisé par Antoine Kasel, chef de cabinet de Nicolas Schmit, commissaire européen responsable de l’emploi et des droits sociaux.

Le contexte dans lequel la Commission européenne (CE) doit agir aujourd’hui est totalement différent de celui qui régnait au début de la législature en 2019. Les travailleurs et les citoyens européens font face à une flambée du coût de la vie, aux conséquences sans précédent de la pandémie et désormais à la guerre déclenchée par la Russie. Il en résulte une inflation galopante actuellement en voie de ralentissement.  D’un autre côté, le marché du travail fait preuve de résilience et les mesures prises en faveur du travail à court terme ont eu un impact positif. Néanmoins, les ménages à faibles revenus et la classe moyenne inférieure ont été très durement touchés et sont toujours en danger.

Les entreprises sont affectées par l’augmentation des prix de l’énergie, la forte concurrence asiatique et le manque de main-d’œuvre qualifiée. Les pénuries de main-d’œuvre et de compétences rendent tout développement difficile et l’Autorité européenne du travail (AET) a déclaré que près de 28 professions connaissent des pénuries majeures. Parmi les premiers secteurs concernés figurent les services, les métiers du soin et certaines industries technologiques. La reconversion et le renforcement des compétences en vue de la transition sont des sujets très importants pour la période à venir.

La directive sur le salaire minimal était une bonne initiative législative et la recommandation récemment adoptée sur ce revenu minimal prévoit d’apporter plus de sécurité et de garantir qu’au sein de l’UE, personne ne soit laissé de côté.  Bien qu’une recommandation soit un instrument juridique non contraignant, elle incite les États membres à agir et produira des résultats sur le long terme.

La CE répond à différents enjeux en même temps en soutenant le pouvoir d’achat, avec le soutien industriel concernant les matières premières, l’accès financier, les compétences et la reconnaissance des qualifications, la diligence raisonnable pour la chaîne d’approvisionnement, etc.  Dans le même temps, l’UE doit suivre de près les développements aux États-Unis avec un agenda plus nationaliste pour la protection de l’économie, tandis que l’économie de l’UE reste une économie ouverte.

Il faut des emplois plus nombreux et de qualité, des salaires décents, plus de femmes dans le monde du travail et des services de garde d’enfants pour les aider. L’économie sociale de marché européenne a également besoin d’un bon système de formation, d’un logement abordable et durable, et la boussole de la CE est le socle européen des droits sociaux (SEDS). La Commission souhaite mettre en œuvre les 20 grands principes. Le sommet de Porto a défini les objectifs, y compris la diminution des chiffres de la pauvreté, et la CE dispose d’un tableau de bord afin d’en assurer le suivi.

La pierre angulaire de cet agenda social est le dialogue social : les partenaires sociaux sont essentiels et la CE fournit un large éventail de mesures pour soutenir ce dialogue. Mais le plus grand obstacle réside dans les dispositions des traités de l’UE qui fixent la répartition des compétences entre l’échelon national et l’échelon européen. Pour de nombreux sujets, la compétence se situe au niveau de l’État membre et non au niveau de l’UE. Cette situation nécessite une bonne coopération entre les États membres et l’UE. Il serait, par ailleurs, préférable de disposer d’une délégation plus forte en faveur de l’échelon européen mais les traités ne vont pas aussi loin.

La crise actuelle appuie là où ça fait mal et nous oblige à revoir l’idée selon laquelle tout peut être fabriqué à bon marché. Dans cette optique, l’UE a besoin de l’implication de ses citoyens et citoyennes.

Un participant à la conférence a proposé d’examiner l’approche de la réforme des systèmes éducatifs dans l’ensemble des pays européens. Là aussi, la compétence se situe au niveau des États membres, mais la réforme a été construite sur un engagement commun des pays à travailler ensemble. Pourquoi cela ne serait-il pas possible pour les questions sociales ?

Discussion avec le public :

Q : Il existe une grande différence entre le développement des zones urbaines et industrielles et celui des zones rurales. La manière dont les États membres mettent en œuvre les politiques sociales et les recommandations de l’UE n’est pas claire. Si l’on considère la stratégie en matière de soin, l’emploi et l’emploi informel, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée est une utopie en zone rurale. Nous pouvons considérer tout cela comme des droits humains sociaux, or ils ne sont pas garantis pour les personnes vivant en zone rurale, là où les services publics sont moins nombreux : comment l’UE peut-elle changer cela ?  Les personnes vivant en milieu rural sont-elles plus touchées ? Et qu’en est-il de la politique des banques ?

R : L’accès est l’un des principes du SEDS, y compris pour les zones rurales. La mise en œuvre relève de la compétence des États membres et nous savons qu’il n’y a pas d’égalité sur ce point au sein de l’UE. Nous avons essayé d’avoir des ressources propres au niveau de l’UE. Seulement 1 % du PIB. Nous avons construit l’Europe mais nous avons besoin des Européens et des Européennes ; c’est un manque qui reste à combler. La CE veut aller dans les territoires locaux mais parfois, elle n’est pas soutenue par les États membres. La CE veut que les soins de longue durée soient abordables et mis en œuvre de manière équitable pour tous mais en réalité, cela dépend des initiatives des États membres.

Q : Parmi les nouveaux thèmes figurent la défense et le besoin de nouveaux types de matières premières afin de fabriquer de nouveaux produits dans le cadre des nouvelles technologies. Comment l’UE peut-elle apporter sa contribution ?

R : Le champ d’action de l’UE sur ces sujets dépend également des dispositions des traités et il est parfois préférable d’avoir une gouvernance européenne plus forte. Citons, par exemple, la défense : elle ne relève pas des compétences de l’UE mais au début de la semaine, un accord a été conclu concernant l’achat conjoint de munitions.  La transition verte requiert une gouvernance adéquate. Avant la transition, les gens pouvaient acheter à bas prix. Désormais, les choses changent et tout le monde se sent plus vulnérable ; nous avons besoin de trouver un équilibre. Le travail décent et la diligence raisonnable font partie de la réglementation européenne.

Q : La recommandation sur le revenu minimal n’est pas assez forte pour soutenir le changement.

R : La CE ne peut agir que dans le cadre des traités et les recommandations offrent la possibilité d’inciter les États membres ; bien qu’elles puissent être considérées comme des mesures juridiques non contraignantes, elles aident et l’effet obtenu dépasse parfois les attentes initiales. 

Q : Beaucoup de jeunes vivent dans une situation précaire et il ne s’agit pas seulement d’un problème de compétences : les salaires sont également plus bas, ce qui engendre la pauvreté, des logements inabordables et bien d’autres difficultés. En ce qui concerne la pauvreté : 91 millions de citoyens et citoyennes vivent sous le seuil de pauvreté. C’est énorme. Il s’agit d’une priorité absolue pour les politiques sociales.

R : Nous devons réduire ce chiffre, comme cela a été affirmé lors du sommet de Porto. La CE prend cette question au sérieux et se sent responsable des actions à mettre en œuvre.

Q : L’UE est un vieux continent et souffre de pénuries de main-d’œuvre. Nous avons déjà des migrants qui travaillent de manière très flexible et certains d’entre eux travaillent même comme des esclaves dans des conditions de pauvreté au travail, ce qui nécessite une meilleure politique.

  1.  : Nous avons besoin d’une politique claire. La CE et les États membres doivent décider ensemble. Il ne s’agit pas seulement d’un sujet à traiter à Bruxelles. La politique migratoire est un gros problème. Certains sont pour et d’autres contre. Le salaire minimal est le même pour tout le monde, y compris pour les migrants.

GROUPE I : préserver le pouvoir d’achat des citoyennes et des citoyens.

Ce groupe animé par Pedro Estevao, membre du conseil scientifique de CoLABOR et coordinateur national de BASE-FUT, a abordé les sous-thèmes suivants :

  • Stratégies pour le dialogue social en période d’inflation : le point de vue des travailleurs par Veselin Mitov, secrétaire international pour les politiques européennes de la confédération syndicale bulgare Podkrepa.
  • Stratégies pour le dialogue social en période d’inflation : le point de vue des employeurs par Isaline Ossieur, conseillère chez BusinessEurope.
  • Préserver le pouvoir d’achat des citoyens et des citoyennes : les dernières initiatives à l’échelle de l’UE par Dennis Radtke, député européen et coordinateur du PPE pour l’emploi et les affaires sociales.
  • Une mise en œuvre rapide et efficace de la directive sur le salaire minimal adéquat par Torsten Müller, chercheur en chef à l’Institut syndical européen (ETUI).

L’inflation relève de la responsabilité de chacun, c’est un phénomène contingent et il n’existe pas une seule solution miracle.

Veselin Mitov : Le pouvoir d’achat et l’inflation ne sont pas des sujets nouveaux, mais la situation actuelle est exceptionnelle. Trois générations de citoyens européens n’ont pas connu ce type d’inflation et ont vécu dans un environnement économique plus stable.  Ce dernier s’est vu brutalement perturbé par la pandémie de Covid et l’agression perpétrée par la Russie a eu un impact significatif sur les prix de l’énergie. Il a été communément observé dans l’UE que cette inflation affecte fortement les travailleurs à bas salaires et cette observation est la même pour les différents modèles de développement au sein de l’Union.  L’inflation est également alimentée par la spéculation et l’augmentation des prix des denrées alimentaires. En Europe de l’Est, les syndicats demandent aussi plus de transparence sur les prix des denrées alimentaires essentielles. La convergence entre l’Europe de l’Est et l’Europe de l’Ouest est nécessaire mais pour l’instant, elle n’est pas mise en pratique pour les salaires, elle l’est uniquement pour les prix et les coûts des denrées alimentaires. Par conséquent, les pays à bas salaires sont frappés plus durement que les autres et le pouvoir d’achat dans ces pays a chuté plus sensiblement qu’à l’Ouest et dans le Nord.

L’écart entre les salaires minimaux est toutefois important. Même après l’adhésion à l’UE, la Bulgarie compte plus de personnes vivant dans la pauvreté qu’auparavant. Des manifestations et des initiatives sont organisées partout pour mettre le problème sur la table des gouvernements.

Isaline Ossieur : La situation est aujourd’hui très complexe. Nous sortons de la crise mais les pays sont toujours en crise. Coûts énergétiques élevés, pénuries de main-d’œuvre, de compétences et de matières premières. 27 % de faillites en plus au quatrième trimestre 2022 par rapport au quatrième trimestre 2021.  Il faut éviter une spirale salaires / prix. La croissance des salaires doit aller de pair avec la croissance de la productivité. Le dialogue social devrait être la pierre angulaire de la négociation collective. La grève a besoin d’un juste équilibre. Les entreprises doivent faire face à la pression inflationniste. BusinessEurope constate une vraie volonté de trouver un compromis autour de ces problèmes. Citons ici un bon exemple de convention collective visant à résoudre les problèmes salariaux observé au Luxembourg. Le pays dispose d’un système d’indexation qui a été reporté en 2022, pour être relancé en 2023. Dans l’intervalle, les entreprises et les familles ont bénéficié d’un soutien gouvernemental. En Allemagne, le choix d’un paiement unique qui n’a pas d’impact sur l’avenir est également une bonne chose. Le Danemark a une longue tradition de dialogue social et de négociation collective et les organisations d’employeurs insistent sur le fait que l’élément le plus important pour des négociations favorables et pour parvenir ensemble à un compromis est la confiance qui existe entre les syndicats et elles. Ils ont d’abord discuté secteur par secteur car tous les secteurs n’ont pas été touchés avec la même intensité.

Dennis Radtke : Quelle influence cela aura-t-il sur les sondages de ces prochaines années ? 42 % des personnes interrogées ne sont pas certaines de pouvoir payer leurs factures. En France, le populisme de droite atteint 40 % des électeurs ; il en va de même en Allemagne où l’AfD est le parti politique le plus puissant à l’est. Les partis politiques ont-ils un lien avec les citoyens ? L’interdiction des moteurs à combustion interne est une catastrophe pour beaucoup de gens ordinaires. Ils doivent économiser longtemps pour acheter une voiture d’occasion, non pas pour frimer, mais pour aller travailler. Il est important d’y réfléchir et nous avons besoin de l’acceptation des citoyens pour une transition verte. Il est important de parvenir à cette transition verte, mais comment pouvons-nous y arriver tout en gardant un œil sur les problèmes des travailleurs les moins bien payés ? Le salaire minimal n’est pas pour le court terme, mais plutôt pour le long terme ; nous avons cependant besoin de plus. Les employeurs n’étaient pas prêts à s’adapter au salaire minimal, c’est pourquoi nous avons besoin d’une action politique. Le pourcentage choisi est fixé pour tous les pays. La réduction du temps de travail a été une bonne mesure pendant la pandémie et a permis de résoudre de nombreux problèmes. Comment pourrions-nous continuer à utiliser cet instrument à l’avenir ? L’UE doit offrir des conditions de concurrence équitables. Il en va de même pour le revenu minimal.

Torsten Müller : L’une des observations les plus importantes est que l’évolution des salaires réels est à la baisse ces deux dernières années.  Le salaire minimal fait partie du dialogue social, or il existe un fossé entre les objectifs et la réalité sur le terrain. Les indicateurs qui comptent ne sont pas souvent sur la table, comme la relation avec le pouvoir d’achat et le coût de la vie. La Slovénie est un exemple de critères adéquats. Les informations obtenues sur les négociations montrent que dans la plupart des pays, le salaire minimal ne répond pas aux standards européens. On en est encore très loin. Selon la norme européenne, les États membres doivent élaborer un plan d’action lorsque le taux de couverture en matière de négociations collectives est inférieur à 80 %. Seuls 8 États membres ont un taux de couverture suffisant, les autres doivent établir des plans d’action. La couverture en matière de conventions collectives est l’une des conditions préalables de la directive sur le salaire minimal. La négociation collective sectorielle s’appliquant par extension avec le soutien de l’État n’existe pas partout. Les recommandations politiques de l’ETUI constituent la transposition rapide de la directive dans les législations nationales ; le coût de la vie et le pouvoir d’achat sont considérés comme des éléments importants pour le salaire minimal, les seuils de 60 % et 50 % étant un minimum à utiliser comme référence et non comme la limite à atteindre.  La CES veut pousser les États membres à aller plus vite pour atteindre le taux de couverture envisagé dans la directive européenne.

Discussion avec les participants (quelques thèmes) :

Question de la Lituanie : Nous avons l’un des pourcentages de couverture les plus bas et nous aimerions savoir si vous avez des suggestions pour motiver davantage les employeurs. Nous sommes contraints de constater que même le secteur des transports publics, qui est un employeur public, n’a pas voulu conclure de nouvel accord.

Réponses :

Torsten suggère qu’une bonne incitation consiste à intégrer le salaire minimal dans les conditions des marchés publics. Mais cela ne se fera que pas à pas, il s’agit d’une progression graduelle. Rien ne va vite en la matière.

Isoline : La formation et le renforcement des capacités des représentants des syndicats d’Europe de l’Est sont importants. L’approche progressive est essentielle. Et la confiance est la condition sine qua non pour parvenir à des accords, ce qui va de pair avec le renforcement des capacités.

Veseline : L’argument selon lequel les salaires ne peuvent pas augmenter parce qu’ils doivent suivre la productivité est faux. Les recherches de l’OIT montrent que la croissance de la productivité est supérieure à celle des salaires. Le fossé ne fait que se creuser.

Dennis : Il est dommage que les organisations d’employeurs considèrent toujours les nouvelles initiatives de l’UE comme des menaces. Ces initiatives visent à améliorer le développement et non à détruire l’économie. Bien sûr, la paix sociale a un coût et elle est le fruit de négociations et d’une forte implication des travailleurs. Rien ne se fera tout seul.

Questions réunies :

- Nous observons que certains salariés ne sont pas autorisés à se syndiquer et que, parfois, cela est même fixé par contrat (de manière dissimulée car cela est uniquement mentionné dans le duplicata).

- L’Italie affirme qu’elle dispose d’une couverture de 100 %, ce qui n’est pas possible.

- De nombreux salariés n’adhèrent à aucun syndicat, mais ils profitent eux aussi des résultats des négociations collectives. Il est temps d’établir des lois pour éliminer les profiteurs en ce qui concerne les résultats des négociations collectives, pourquoi pas une adhésion obligatoire.

- Nous parlons de pénurie de main-d’œuvre et de concurrence : cela aidera-t-il à faire augmenter les salaires ?

Réponses réunies :

Il ne sera pas possible de parvenir à un accord général similaire sur tous les sujets. Il existe des différences et nous pouvons ici citer l’exemple de l’approche des nouveaux horaires de travail en Allemagne et dans d’autres pays. Il y a des différences non seulement entre les pays, mais aussi entre les secteurs. Les salaires sont un domaine où l’écart est important entre les différents États membres de l’UE. Entre des pays où les salaires sont de 400 euros et les autres. Lorsque les travailleurs en ont la possibilité, ils s’installent dans un pays où les salaires sont plus élevés. Les pays où les salaires sont plus bas ne peuvent pas rivaliser. La seule solution est d’augmenter les salaires à un niveau plus égal.

Il nous faut de nouvelles méthodes de mesure de la couverture en matière de négociations collectives. À l’heure actuelle, cela ne convient pas. En Italie, par exemple, les accords conclus au niveau de l’entreprise entre l’employeur et des syndicats non reconnus sont également pris en compte.

L’Année européenne des compétences est importante. D’autre part, aux niveaux européen et national, les employeurs sont bombardés de nouveaux rapports à établir. Et pas seulement sur les salaires. Les organisations d’employeurs demandent à ce que les politiques publiques placent les salaires au premier plan des préoccupations des employeurs, plus que les rapports.

GROUPE II : lutter contre l’inflation en se servant de la politique monétaire, mais à quel prix ?

Ce groupe était animé par Joseph Thouvenel, secrétaire confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Les intervenants étaient les suivants :

  • David Sondermann, chef adjoint de la division Offre, marchés du travail et surveillance de la Banque centrale européenne, qui a donné un aperçu de la réponse de la Banque centrale européenne à l’inflation.
  • Clément Fontan, professeur de politique économique européenne à l’Université catholique de Louvain, qui est intervenu sur le lien entre politique monétaire et justice sociale.
  • Renaat Hanssens, conseiller au département Recherche de la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (ACV-CSC), qui a parlé du rôle et de la vision des syndicats dans le débat sur la politique monétaire.

David Sondermann : Nous constatons une forte hausse de l’inflation, des difficultés d’approvisionnement dans la production et des perturbations dans les chaînes logistiques.  Et puis nous avons vécu un deuxième choc avec l’augmentation des tarifs du pétrole et du gaz ainsi que celle des prix des denrées alimentaires à cause de la guerre. La demande a atteint son point culminant immédiatement après la période de confinement due à la pandémie. De nombreux éléments ont des répercussions sur notre situation : la baisse des prix devrait rester faible, l’activité économique reprend, le taux de chômage diminue et la population active augmente sérieusement, l’inflation suit les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, l’inflation de base se situe entre 4 et 8 % dans la zone euro et en dehors.

Normalement, l’inflation augmente sous l’effet de la demande, or elle est aujourd’hui davantage déterminée par l’offre, donc le prix de certains produits diminue, mais pas celui des denrées alimentaires, ce qui constitue une pression sur les prix intérieurs ; il s’agit d’un facteur important. Il faut un suivi des salaires pour contrôler leur augmentation. Mais la raison de l’augmentation des prix n’est pas très claire : coûts d’approvisionnement ou salaires. Les bénéfices sont également un facteur d’inflation.

Taux d’intérêt de la BCE : suivre l’évolution du secteur financier, l’impact de la politique de la BCE sur les ménages et les taux d’intérêt débiteurs.

Clément Fontan : Le professeur commence par dire qu’il est nouveau pour lui d’entendre que la BCE considère également les bénéfices comme un possible facteur de l’inflation. Et il est ravi de voir que la BCE s’adresse à un auditoire formé de syndicats. Il est dommage que la BCE suive la même approche qu’à la fin des années 1990 pour renforcer sa politique de lutte contre l’inflation. La BCE a mis le monstre de l’inflation dans une bouteille parce qu’elle est indépendante.

Avant de parler de l’approche actuelle, C. Fontan revient sur l’aspect historique. Au cours des premières années, la BCE était occupée à surveiller l’inflation. Il y avait une stagnation car le produit intérieur brut (PIB) n’augmentait pas vraiment et les salaires non plus. À partir de 2015, nous avons assisté à une période de stagnations au niveau mondial, avec des injections massives de liquidités et la recherche de facteurs structurels, notamment l’affaiblissement des syndicats et l’application par la troïka de politiques d’austérité dans l’ensemble de l’UE. La multicrise a débuté après 2021. Au début, la BCE a renforcé sa crédibilité anti-inflationniste et un appel constant a été lancé en faveur de la flexibilisation des salaires (fin des systèmes d’indexation et suppression du salaire minimal), combinée à ce que l’on appelle des réformes structurelles. Le débat sur la politique macroprudentielle et l’énorme impact des coûts de l’énergie sur les ménages ont conduit à des inégalités majeures. Le professeur a également constaté qu’une « greenflation » avait un impact sur nos vies et notre économie. Pour beaucoup de gens, il n’y avait pas de problème : leurs revenus augmentaient, mais c’était également le cas des inégalités au sein de la société. La BCE invoque son indépendance pour passer le relais aux responsables politiques, mais comme le montre l’histoire, elle a régulièrement pratiqué la co-surveillance. Elle peut faire la même chose aujourd’hui.  La BCE doit faire plus pour les défis sociétaux tels que le changement climatique.

Après 2021, les facteurs ont déjà été identifiés par David. La BCE n’avait pas d’outil direct contre les facteurs de hausse de l’inflation, seulement des classiques tels que les taux d’intérêt, l’appel à la modération salariale, et elle a observé le dilemme de la récession économique, le fait qu’il n’y ait pas de croissance des salaires réels, ce qui entraîne une diminution du pouvoir d’achat.  Les bénéfices sont toujours dans le collimateur. Pour Clément, la solution consiste à changer de discours et à oublier les règles du jeu classiques de la Banque centrale. Il est nécessaire de lutter contre l’inflation et, en même temps, de soutenir la transition face au changement climatique : par conséquent, pourquoi ne pas instaurer deux taux d’intérêt différents ? Le PE appelle à davantage d’initiative dans le cadre du mandat secondaire, ce qui complète le mandat prioritaire sur la lutte contre l’inflation, mais le PE doit alors fournir plus d’orientations sur les objectifs secondaires pour la BCE.

Renaat Hanssens : Il sera bref sur les chiffres car David a déjà transmis de nombreuses données statistiques.  Ses recherches et celles d’autres grandes organisations montrent que les coûts des bénéfices et les coûts d’importation sont désormais plus importants pour l’inflation que les salaires. On peut également constater que l’inflation de base est toujours en hausse. Les hausses et les baisses de l’inflation ne sont pas dues à la politique monétaire de la BCE.

L’inflation est préjudiciable aux travailleurs à deux égards : les salaires réels se dégradent et la valeur de l’épargne diminue. Renaat plaide également en faveur d’une approche plus prudente car le remède que constitue la hausse des taux d’intérêt pourrait être pire que le mal.

L’inflation est le résultat de perturbations du côté de l’offre, de l’épidémie de Covid 19, des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, certains secteurs voyant ce phénomène amplifié en raison de leur pouvoir de marché (quatre grandes entreprises alimentaires détiennent 8 % du marché et font usage de leur pouvoir) ; elle n’est donc pas le résultat d’excès significatifs de la demande globale (les gens recommencent à consommer normalement mais ne doublent pas leur consommation). Avec la hausse des taux d’intérêt, il est primordial de tenir compte des risques concernant un ralentissement douloureux accompagné d’une augmentation du chômage et d’une crise mondiale de la dette, d’un impact minimal sur l’inflation, de mesures fiscales et autres visant à atténuer les pressions inflationnistes sectorielles particulières.

Intervenants au débat :

David : Il est important de réfléchir sur le mandat de la BCE, mais de nombreuses actions doivent être préparées par les gouvernements. Les politiques fiscales sont plus importantes que les politiques de la BCE. La BCE joue un rôle essentiel dans les taux d’intérêt et dans le soutien à l’économie afin que cette dernière surmonte cette situation difficile. L’important pour la BCE est que les revenus soient stables et que l’emploi augmente. Il n’y a pas de pleine égalité dans la société, il n’existe donc pas de mesure universelle. Par exemple : tout le monde ne détient pas d’actifs dans une société mais le logement (avec la vente de maisons et la hausse des prix) est plus tangible pour la population.  Les environnements sont différents dans chaque pays, il est donc normal que la pression y soit elle aussi différente.

Clément : La stabilité des prix est l’objectif ultime, mais pouvons-nous nous demander si l’indépendance reste la question la plus importante ? Pour Clément, il faut plus d’équilibre entre le mandat principal et le mandat secondaire. L’inflation nous appauvrit ; il est important que la part soit répartie entre les salaires et les bénéfices, et cela relève de la responsabilité des gouvernements et non de la BCE. Mais nous constatons que la BCE suit également les coûts et les salaires et lorsqu’il y aura des mesures, la BCE sera sur la brèche. La BCE n’est jamais neutre dans la guerre entre le capital et le travail.

Renaat : La répartition du choc est nécessaire, les marges bénéficiaires ont augmenté davantage et sont au plus haut. Une discussion est nécessaire pour définir les moments où les éléments du mandat secondaire sont plus importants que ceux du principal. La stabilisation des prix est le premier et principal objectif de la BCE. Quand le climat sera-t-il mis au cœur des préoccupations ?

Discussion avec les participants :

Q : Comment les syndicats peuvent-ils influencer la politique de la BCE ? La BCE est-elle indépendante lorsqu’on se penche sur la période de la troïka impliquant coopération étroite et mise en œuvre de plans de sauvetage ? Est-il possible de mesurer si la baisse ou la stabilisation est le résultat de la politique de la BCE ?

R : Renaat : Les syndicats fournissent des analyses rationnelles ; les syndicats belges font partie du conseil consultatif et espèrent que cela pourra se concrétiser dans l’ensemble de l’UE.  Clément : En Allemagne, l’indépendance est un sujet prioritaire largement mis en avant et des discussions ont même été menées avec les syndicats. La troïka n’est pas prise en modèle, mais il est important d’accroître la coopération entre la BCE et d’autres partenaires pour discuter de l’idée d’un taux d’intérêt plus bas pour les investissements verts et plus élevé pour les énergies fossiles ; toutefois, ce n’est pas à la BCE de prendre ces décisions. David : il faut un ensemble d’indicateurs pour suivre l’augmentation ou la diminution. Le suivi des politiques prend également du temps. L’indépendance est fondamentale. Les citoyens doivent avoir confiance en la BCE et lorsqu’elle est trop liée aux gouvernements, comment peuvent-ils se fier aux politiques de la Banque centrale ?

Q : Au Portugal, on a observé une augmentation scandaleuse des bénéfices, notamment en raison de la spéculation. D’autre part, l’augmentation des salaires a été très faible et ne suit pas la hausse du taux d’inflation. Même l’augmentation des impôts a un impact sur les pauvres. La richesse de certains s’accroît. Comment contrôler ce phénomène ?

R : David : Avec la BCE, nous nous intéressons à l’augmentation des salaires ainsi qu’à celle des bénéfices et notre politique est liée à cela. La concurrence ne dépend pas de la BCE. Ce qui est préoccupant, c’est lorsque les gens veulent acheter un logement avec des taux d’intérêt plus élevés ; la situation actuelle n’est pas normale. Les travailleurs pauvres, cela relève des gouvernements. Renaat : La spéculation est vraiment un problème important aujourd’hui. Il suffit de regarder les prix du gaz à la bourse d’Amsterdam. Sont-ils normaux ou s’agit-il tout simplement de spéculation ? Il doit y avoir des enquêtes et un système de contrôle.

Q : Au Portugal, on observe toutes sortes de politiques et pourtant, les gens vivent dans la pauvreté.

R : David : Nous prenons en compte tous les éléments, mais la répartition des richesses incombe davantage aux gouvernements. L’objectif est de maintenir l’inflation à un niveau bas, ce qui peut aider les travailleurs à faibles revenus, mais la répartition relève des partenaires sociaux.

Q : L’organisation Afammer observe que le monde entier et l’Europe en particulier sont confrontés à une fracture numérique entre zones rurales et zones urbaines. Elle constate que l’argent liquide disparaît (plus aucun retrait d’argent n’est possible). L’argent liquide peut-il continuer à exister en zones rurales ? En Espagne, certaines personnes doivent faire 15 km pour retirer le montant de leur retraite.

R : La poursuite du déploiement du numérique est un problème gouvernemental ; vous devez permettre aux citoyens d’avoir accès à plusieurs options.

GROUPE III : innovation et avenir industriel dans un ordre mondial en mutation

Ce groupe animé par Sigrid Schraml, secrétaire générale d’EZA, comptait deux intervenants :

  • Outi Slotboom, directrice Stratégie et Analyses économiques à la DG de la Commission européenne pour le marché intérieur, l’industrie, l’entrepreneuriat et les PME, a abordé le sujet d’une Union européenne résiliente et la réduction des dépendances stratégiques de l’UE.
  • Alexander Conway, consultant en gestion des risques chez Resilium, a parlé de la politique industrielle de l’UE et de sa stratégie « Autonomie stratégique ouverte » (les défis à relever).

Outi Slotboom :

La stratégie commence par une liste de produits pour lesquels l’UE est dépendante des importations, comme les industries à forte intensité énergétique, l’énergie renouvelable, le numérique et l’électronique, etc. Il s’agit également d’observer les points forts et les points faibles de l’UE en ce qui concerne les technologies clés. La fabrication avancée de batteries et l’hydrogène sont des points forts. La production solaire se fait essentiellement en Asie, il n’y a pas d’usine de premier plan pour les semi-conducteurs dans l’UE et nous ne possédons que 2 % de la capacité de stockage du cloud.

Le marché mondial de la Chine se développe, tous les autres marchés sont en déclin. Le marché unique de l’UE, c’est 23 millions d’entreprises, 15 % de l’économie mondiale, 31 % du commerce mondial (18 % à l’intérieur de l’UE et 13 % avec les pays tiers). La compétitivité est soutenue par une autonomie stratégique ouverte, la résilience du marché unique, le pacte vert et le nouveau plan industriel.

L’UE doit sécuriser ses chaînes logistiques à l’étranger en renforçant la coopération avec les partenaires internationaux et en améliorant l’accès aux approvisionnements au niveau international.

Capacité du marché unique : l’exemple de la production de vaccins (plus de 3 milliards de doses produites dans l’UE, 100 réunions avec des fabricants de vaccins, 900 participants) montre les capacités du marché unique en cas de crise. Mais souvent de manière ponctuelle.

Nous serons désormais mieux préparés grâce à la surveillance des risques, à la formation en stockage de marchandises, à la passation conjointe de marchés, à une coordination rapide, etc.

Les éléments de la stratégie de l’UE permettant de développer une réponse plus forte aux nouveaux développements économiques mondiaux sont le pacte vert avec un plan industriel comprenant des mesures réglementaires telles que la loi sur l’industrie nette zéro, des mesures pour les matières premières critiques et des mesures de financement avec Repower EU, la FRR (facilité pour la reprise et la résilience), etc. ; en ce qui concerne la transition des compétences, l’UE a lancé l’Année des compétences avec des écoles spécifiques pour les batteries, l’énergie solaire, etc. L’UE défend les pratiques commerciales ouvertes pour des chaînes d’approvisionnement résilientes en réagissant aux pratiques commerciales déloyales.

Alexander Conway :

Pour Alexander, il est important de trouver le bon équilibre dans cette stratégie. Chaque option aura ses pour et ses contre. Des événements importants tels que le Brexit, D. Trump et son « America first », le Covid ou l’invasion russe ont eu un impact significatif sur le développement de nos économies et de nos relations internationales. Ils obligent, par ailleurs, à repenser ce qui semblait évoluer de manière naturelle et automatique auparavant.

Travailler conjointement est essentiel. Les défis peuvent être regroupés entre défis au sein de l’UE et défis à l’extérieur de l’UE. Il peut y avoir une intervention de l’État pour des industries stratégiques.

Lorsque nous voulons développer une stratégie pour l’avenir, nous devons examiner les questions suivantes. Les fonds qui seront utilisés pour soutenir la stratégie : seront-ils gérés par l’UE ou par les États membres ? En effet, les petits pays n’ont pas les mêmes ressources que les grands États membres. L’UE doit équilibrer toutes les initiatives telles que la FRR, obtenir des revenus supplémentaires à l’échelon européen, déterminer qui décide de ce qui est dépensé, choisir entre investissements privés ou publics, et nous sommes désavantagés par rapport aux États-Unis et à la Chine. La main-d’œuvre est également un défi, tout comme les questions environnementales telles que les mines de lithium au Portugal et en Serbie avec des protestations locales, les matières premières critiques et ce qu’il faut proposer, les compromis que nous souhaitons faire. La construction de gazoducs ; avec la Russie, il y a davantage d’éléments. La position de l’UE dans la guerre économique qui oppose les États-Unis à la Chine. Le choix en faveur des voitures électriques : est-ce que ça nous aide ? J. Biden est une version plus polie de D. Trump, mais il a la même approche et l’UE dépendra-t-elle d’électeurs indécis ? La sécurité et les tests de résistance sont importants. L’industrie de la défense et notre identité font partie d’un projet de paix mais nous fabriquons aujourd’hui des armes et nous fournissons un autre pays en guerre.

Commentaire d’Outi : Le climat, la main-d’œuvre ainsi que d’autres sujets sont fondamentaux mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire. Il existe également un fonds conséquent pour soutenir les industries. D’autres pays ont également de tels budgets. Les aides publiques entre les États membres font l’objet de vifs débats. Il faudrait davantage d’efforts au niveau de l’UE, mais les États membres tiennent actuellement à leurs compétences. La Commission européenne travaille à de nouvelles règles telles que la proposition de diligence raisonnable.

Discussion avec le public :

Q : Quelles améliorations peut-on apporter si la main-d’œuvre n’est pas disponible ?

R : On note des pénuries dans les secteurs des hautes technologies, de l’industrie pharmaceutique et autres, mais ce phénomène met le renforcement des compétences et la reconversion au premier plan de la stratégie de l’UE.

Q : La sécurité est capitale pour les travailleurs ; avec la loi sur la réduction de l’inflation industrielle, nous nous concentrons sur les éléments sociaux nécessaires pour assurer une égalité de traitement entre les différentes sécurités sociales de l’UE. Actuellement, on se concentre trop sur le climat.

R : Je ne suis pas au courant de toutes les conditions sociales. Dans leurs relations commerciales mondiales, le travail forcé constitue l’une des préoccupations centrales aux États-Unis. Ces derniers observent ce qui se passe en Chine pour essayer de découvrir s’il existe des régions qui pratiquent le travail forcé. Si c’est le cas, les États-Unis souhaitent alors interdire toute importation en provenance de ces régions. En ce qui concerne l’UE, ce n’est pas d’actualité.

Q : Pouvoir compter sur des plombiers et des artisans compétents est aussi important pour l’économie : comment rendre ces métiers plus attractifs ? Est-ce que l’estime sociale est un facteur clé d’attractivité ?

R : La formation devient l’université des artisans. Les politiques en faveur des PME sont également essentielles pour ce groupe d’artisans : la CE souhaite faciliter la gestion d’une entreprise et soutenir les systèmes de formation. Mettre en place des actions consacrées aux filles / femmes pour qu’elles s’orientent vers les sciences et pour plus de neutralité en matière de genre, instaurer une bonne communication sur la valeur de ces emplois.

Q : L’hydrogène a des capacités importantes. Les véhicules électriques sont essentiels. Comment l’UE compte-t-elle s’y prendre pour accroître la production ?

R : La pénurie de semi-conducteurs est un problème. Il faut un meilleur approvisionnement. Il existe également un groupe qui se consacre au sujet du développement de l’hydrogène dans l’UE.

Q : Ces mesures vont prendre du temps et il n’y a pas de solution miracle. Ne pouvions-nous pas réagir plus tôt ? Avons-nous misé trop longtemps sur des produits bon marché ?

R : Alexander : Avec la mondialisation et le commerce mondial florissant, presque tout était livré juste à temps ; il s’agissait d’un schéma mondial et ça fonctionnait. L’UE s’est également construite sur cette méthode de travail ouverte et il n’était donc pas nécessaire de réagir autrement.  Outi : Pour être compétitive, une entreprise devait examiner le niveau des coûts et des tarifs et s’approvisionner auprès de fournisseurs à bas prix ; à ce moment-là, il n’était pas nécessaire de procéder différemment. La multicrise que nous vivons est arrivée de manière inattendue et il n’y avait pas d’alternative. Notre système de valeurs a évolué et le changement climatique a été davantage pris en compte par les entreprises dans leur réflexion. Des problèmes assez graves comme la dépendance vis-à-vis de la Russie et la prise de conscience de la crise ont changé notre façon de penser.