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Développement des organisations de travailleurs et le renforcement de leur coopération pour l’intégration dans une Europe sociale compétitive

Du 13 au 15 juin 2019, un séminaire portant sur le « Développement des organisations de travailleurs et le renforcement de leur coopération pour l’intégration dans une Europe sociale compétitive », organisé par PODKREPA (Confédération du travail PODKREPA), avec l’aide financière d’EZA et de l’Union européenne, a eu lieu à Sofia en Bulgarie. La conférence était organisée dans le cadre du projet spécial d’EZA pour les organisations de travailleurs dans les Balkans occidentaux et a réuni plus de quarante dirigeants syndicaux et experts en provenance de France, de Macédoine du Nord, de Serbie, de Bulgarie et d’Albanie.

Après avoir souhaité la bienvenue aux participants, Veselin Mitov, le vice-président d’EZA et le secrétaire international de CL PRODKREPA ont souligné l’importance de la coopération avec EZA en ce qui concerne l’organisation d’événements similaires à l’appui du dialogue social dans les Balkans occidentaux. Dimitar Manolov, le président de PODKREPA, a parlé des mesures requises pour renforcer la dimension sociale de l’Union européenne et le rôle de l’OIT, en tant que pilote mondial garantissant la protection du travail et une vie décente pour les travailleurs. S’adressant aux participants, les autres intervenants de ce groupe politique ont souligné les efforts déployés par la présidence bulgare pour débloquer le processus lié à la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux, priorisant la connectivité dans la région. Le message-clé précisait que c’était le temps de l’amitié, de la prospérité et de la réconciliation, parce qu’une UE stable et sûre incluaient des Balkans sûrs et stables. Le deuxième message-clé précisait que la perspective européenne pouvait contribuer à éviter d’éventuels conflits, à promouvoir la convergence de la tendance à la hausse et à améliorer le niveau de vie, tant que l’EU mettrait l’accent, notamment sur la coopération avec les voisins, l’État de droit et l’implication de la société civile. Ainsi, il faut souligner l’importance que l’intégration européenne ira main dans la main avec la coopération régionale, en harmonisant la législation nationale et européenne en vue d’analyser toutes les conséquences sociales possibles, en particulier leur impact sur les droits des travailleurs, les systèmes de protection sociale, le dialogue social et les relations industrielles. Dans ce contexte, les partenaires sociaux devraient participer à l’établissement de cadres juridiques et à la prise de mesures de renforcement des capacités, visant à soutenir la convergence de la tendance à la hausse des conditions de travail et de l’inclusion sociale, ainsi qu’à développer un dialogue tripartite efficace, le dialogue social et les négociations collectives.

 

Selon le programme, deux présentations y ont été faites par des États membres de l’UE, à savoir par la France, le fondateur de l’EU et la Bulgarie, intégrée en 2007. Ces présentations expliquaient l’impact positif des valeurs fondamentales démocratiques et humaines de l’UE sur le partenariat social, la culture de la négociation, l’empressement à trouver des consensus, l’autonomie des partenaires, la stabilité des systèmes de sécurité sociale, le respect des dispositions légales, les structures bien établies pour le dialogue social à différents niveaux, le mécanisme de consultation existant et la représentation des travailleurs. Les intervenants ont souligné, et on ne peut pas le nier, que la crise économique avait eu de graves conséquences sur les personnes qui travaillaient en Europe. Aujourd'hui, les sociétés et les multinationales se sont rétablies, mais les travailleurs n’ont pas vu une augmentation de salaire durant toutes ces années et leur influence stagne. En fait, depuis les années 1990, les bénéfices ont augmenté au détriment des salaires. Dans le même temps, la participation et l’influence des travailleurs diminuait sur le lieu de travail. La nécessité de permettre aux travailleurs d’exprimer leur point de vue, d’influencer les décisions et de faire respecter collectivement leurs droits est souvent ignorée. Ces attaques menées contre les travailleurs et les droits syndicaux, voire contre le modèle social européen, favorisent la croissance des inégalités au sein et entre les pays de l’UE, mettant en péril nos valeurs démocratiques communes. Tout cela fait partie des préoccupations majeures des syndicats, qui ont la responsabilité de défendre la démocratie au travail, l’acquis le plus important du siècle dernier, basé sur la paix, l’être humain, les travailleurs, les droits sociaux et environnementaux, la décence et l’égalité des conditions de vie et de travail, y compris les services publics et les systèmes de formation de qualité.

Les rapports nationaux des pays participants des Balkans occidentaux ont été assurés dans une perspective différente. Malgré les mesures positives concernant l’adhésion à l’UE et à l’OTAN, la situation générale en Macédoine du Nord ne s’améliore pas. La faiblesse des institutions couplée à l’absence de culture du dialogue et de la consultation a rendu la situation des personnes qui travaillent encore pire que jusqu’ici. Malgré les progrès enregistrés en ce qui concerne les lois et règlements adoptés, il y a peu d’impact en termes de modification des mentalités et des pratiques du dialogue social. Le pays souffre également des niveaux de chômage élevés et continus, de la pauvreté et de la fuite des cerveaux. Des réformes à appliquer dans l’administration publique, des investigations proactives, des poursuites et des condamnations finales en cas de corruption et de criminalité organisée, incluant un haut niveau politique, sont demandées par les syndicats nationaux. Mais, étant donné que le fameux comportement « clientéliste » est une marque déposée de la société tout entière, il a affecté la réputation et la confiance dans les syndicats. Ainsi, il est devenu presque impossible d’organiser de nouveaux membres, notamment dans les nouveaux investissements et les multinationales.

 

Hormis la baisse significative du chômage, une situation similaire a été signalée par les représentants du SS BOFOS de Serbie. Le dialogue social reste très faible à tous les niveaux. Les syndicats ne participent pas efficacement à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques économiques et sociales. Le dialogue tripartite au niveau national est effectué à intervalles réguliers au sein du Conseil économique et social, mais le problème est de savoir comment parvenir à un consensus et à appliquer les décisions convenues. En outre, les relations industrielles sont très polarisées, avec une scène syndicale tout à fait fragmentée, six organisations représentatives et un seul employeur représentatif. Il en résulte que l’on est confronté à de graves difficultés dans les négociations et la conclusion de conventions collectives, et par conséquent et une faible couverture des travailleurs par les conventions collectives. Les syndicats s’efforcent de sensibiliser à l’importance du dialogue social, en progressant vers un véritable partenariat.

 

Le rapport national de l’Albanie a informé de la situation politique très contractuelle et très compliquée en raison des manifestations civiles, susceptibles de provoquer une guerre civile. On a noté que, bien que depuis 2014, l’Albanie ait le statut de pays candidat à l’adhésion, elle n’avait pas rempli les priorités fixées par l’UE. Dans le domaine du dialogue social, l’activité du Conseil national du travail ne fonctionne pas normalement, le dialogue social bipartite et tripartite reste faible. Les syndicats ont un succès relatif dans la protection des travailleurs, ayant négocié des augmentations de salaire et amélioré la santé et la sécurité au travail ainsi que la protection des mineurs et des travailleurs dans le secteur pétrolier. D’autres améliorations sont nécessaires concernant des questions telles que les droits de l’homme et les relations entre les travailleurs et le patronat dans le secteur privé. À la fin de la journée de travail, une présentation a été faite sur la numérisation et son implication dans les pays admis à bénéficier du programme spécial. Les possibilités de participation des syndicats dans le processus de transformation du travail, de formation et de requalification et à la santé et à la sécurité au travail ont été discutées.

 

Le deuxième jour, les participants ont échangé les moyens de favoriser la coopération régionale visant à faire progresser le dialogue social  comme élément essentiel du modèle social européen. On a noté que seul un modèle de ce genre pourrait prévoir la compétitivité, le partage des gains, l’amélioration de la prospérité économique et le bien-être social dans la région des Balkans occidentaux. Selon les interventions, cela pourrait se faire seulement à travers l’amélioration institutionnelle et législative des institutions publiques ainsi que les activités visant à renforcer les capacités des acteurs sociaux nationaux à participer efficacement au dialogue social et au processus d’intégration de l’UE. En outre, la coopération régionale entre les syndicats devrait être approfondie, parce qu’il est prévu que la date d’ouverture des négociations avec l’UE permettra d’accélérer une réflexion positive au sein des sociétés des Balkans occidentaux et des réformes plus rapides. À cet égard, les organisations de travailleurs devraient être prêtes à réagir de façon adéquate et à s’adapter à la perspective européenne.

 

Autour de la table ronde concluante, plusieurs modèles d’actions syndicales communes ont été cartographiés comme suit : développer des réseaux régionaux et des stratégies de communication moderne ; organiser conjointement des réunions/manifestations publiques ou internes avec d’autres syndicats (en coopération avec les structures syndicales européennes) ; inviter la presse locale/régionale/nationale/européenne ; recueillir et diffuser les exemples positifs et les meilleures pratiques pour montrer les avantages du dialogue social ; répondre aux besoins spécifiques en terme d’information, d’analyse ou d’évaluation approfondie du cadre et de la situation économique en ce qui concerne les travailleurs et l’information et la consultation des travailleurs au niveau de l’entreprise et des secteurs.

 

En conclusion, Veselin Mitov a résumé les résultats des rapports et des discussions nationaux, soulignant que l’intégration des pays admis à bénéficier du programme spécial de l’Union européenne n’était pas alternative et constituait une priorité non seulement pour les élites politiques, mais aussi pour les travailleurs et leurs organisations qui s’engagent à faire de leur mieux pour leur garantir une vie décente et une perspective durable. Il a réaffirmé également que PODKREPA était prêt à soutenir avec son expertise et il a conseillé au syndicat frère de défier ces défis réels à venir et de participer aux réformes et au processus d’intégration. À cet égard, Mitov a souligné l’importance du soutien EZA, fournissant l’occasion d’échanger des expériences et de rédiger des réponses communes.