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Europe sociale, mouvements de travailleurs et dialogue social. Une vision commune pour le Socle social européen ?

Le Groupe Européen de la Pastorale Ouvrière s’est réuni à Manchester (Grande-Bretagne) du 15 au 17 novembre 2018 pour son colloque annuel. Le thème du colloque fut « Europe sociale, mouvements de travailleurs et dialogue social. Une vision commune pour le Socle social européen ?» 36 représentants d’organisations de travailleurs d’Allemagne, d’Angleterre, de Belgique, de Bulgarie, d’Espagne, de France, de Portugal et du Luxembourg ont participé au séminaire qui a été organisé avec le soutien d’EZA et de l’Union européenne. Le séminaire faisait partie de la coordination de projets d’EZA sur le « Le socle européen des droits sociaux ».

  1. Quel était l’aspect le plus important du séminaire ?

L’initiative du socle social européen est considérée par nos mouvements et associations comme un aboutissement et un nouveau départ du dialogue social. Aboutissement parce que les dirigeants européens ont enfin mis la question sociale au cœur de la construction européenne en lui donnant un statut visible. Un nouveau départ parce que le socle répond aux critiques d’une majorité de citoyens qui disent que l’Europe n’est qu’un grand espace économique profitant aux entreprises mais pas aux citoyens. Nous sommes conscients que cette proclamation est importante, mais qu’elle nécessite maintenant d’être concrétisée. Comme les questions sociales ne sont pas que de la compétence européenne, mais très souvent de la compétence des états nationaux, il faudra relancer le dialogue et le dialogue social intra-européen pour le transcrire dans des politiques concrètes et bénéfiques au plus grand nombre. Les participants au colloque ont réfléchi aux implications concrètes à partir de leurs réalités nationales comment définir les paramètres d’une harmonisation des droits sociaux en Europe.

  1. Pourquoi le séminaire était-il important à ce moment

La question du socle social européen manque d’une part encore de visibilité dans le débat publique et d’autre part aura besoin de trouver une traduction dans des plans d’actions concrets dans les différents pays de l’Union européenne. Nous sommes convaincus que les peurs devant la globalisation jouent un rôle décisif dans la prise du pouvoir par des partis populistes et anti-européens dans de nombreux pays. Mettre la question sociale au cœur de l’agenda politique est un élément majeur pour reconquérir la confiance des citoyens en Europe. Nos organisations doivent jouer un rôle de diffusion de cette volonté d’une construction d’une Europe sociale. 

  1. Quels sujets étaient débattus

A partir d’une présentation générale de la genèse du « socle social européen » et de son statut dans la dynamique de la construction européenne par le professeur Jozef Pacolet de la Université Catholique de Louvain (Belgique) et une remise en contexte de la doctrine sociale de l’église dans la dynamique historique des avancées sociales dans l’espace européenne par jean-Claude Brau, une large part a été donnée à l’analyse des enjeux sociaux dans les pays des participants. Mick Rix, National Officer for GMB Commercial Services a fait une analyse sur ce que signifie concrètement des conditions de travail équitable sur base des expériences du travail des syndicats anglais. Une visite auprès de la plateforme des coopératives de Grande-Bretagne a permis de montrer des modèles de sociétés alternatives qui respectent mieux le bien-être des travailleurs. Toutes les délégations de chaque pays participant ont exposé ensuite leur situation et les enjeux sociaux en rapport avec les 5 points du chapitre deux du socle social européen : les salaires justes, décents et égaux pour tous, les emplois sûrs et adaptables, les informations sur les conditions d’emploi et la protection du travailleur en cas de licenciement, le dialogue social et la participation des travailleurs et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. A partir de ces relevés de la situation, les participants ont discuté en groupes de travail les possibles rapprochement européen dans le domaine du salaire juste, le dialogue social et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. 

  1. Résultats du séminaire

Il existe un large consensus sur le fait que le « socle européen des droits sociaux » constitue une avancée importante pour maintenir en vie le processus de la construction européenne. Même s’il ne constitue pas un cadre juridiquement contraignant, il témoigne au moins de l’idée que l’Europe doit mettre la question de la justice sociale au centre de ses préoccupations et qu’il faut travailler à un rapprochement des standards sociaux. Nous savons que beaucoup de matières sont de la compétence nationale. Ceci donne de l’importance au dialogue sociale pour avancer ensemble et arriver à harmoniser nos législations respectives.

  1. Résultat des discussions, groupes de travail, ateliers etc.

A partir des discussions dans les groupes de travail, l’assemblée a retenu :

Dans le domaine du dialogue social :

    • L’élargissement du dialogue social à toutes les dimensions de la vie sociale telle que la culture, la citoyenneté, le débat sur les enjeux intergénérationnels et migratoires
    • L’investissement conséquent dans la formation sur le dialogue social afin de donner la compétence à tous pour participer au dialogue social.
    • Être présent sur les réseaux sociaux afin d’utiliser les canaux de communication des jeunes générations dans le but de les intégrer au dialogue.
    • Veiller à ce que le dialogue soit ouvert, franc et partagé. La finalité doit s’inscrire dans la protection de la dignité humaine pour tous.

Dans le domaine des salaires :

      • La mise en place d’un mécanisme contraignant de calcul du salaire social minimum dans tous les pays de l’Union Européenne. Ce calcul doit se baser sur une assiette des besoins issus des droits fondamentaux (alimentation, logement, culture, santé, formation, communication et mobilité). Pour chaque pays, le prix de cette « assiette » européenne commune sera calculé et converti en salaire.
      • Pour les enfants, sur le même principe d’une assiette par âge, on devra octroyer une allocation publique.
      • Des mécanismes effectifs doivent être mis en place dans chaque pays pour veiller que la fourchette des salaires approche le facteur un sur dix.

Dans le domaine de la balance « temps de vie privée et temps de travail »

      • Mise en place d’une législation unique sur les horaires d’ouverture des commerces en Europe
      • Lancer une campagne de sensibilisation contre l’hyper-connexion
      • Garantir partout un accès à une garde publique pour enfants
      • Rendre illégal en Europe les contrats « zéro - heures ». Les horaires doivent être connus à l’avance et ceci en concertation avec le salarié
      • Une harmonisation et une réduction du temps de travail partout en Europe avec obligation d’embauche compensatoire sans perte de salaire.
  1. Est-ce qu’il y des décisions ? Si oui lesquelles ?

Les lignes d’action des différentes pastorales ouvrières qu’on propose pour cette année :

  • Rencontrer les partis politiques pour les motiver à parler des droits sociaux européens dans leur campagne pour les élections européennes de 2019
  • S’engager avec toutes les organisations du monde du travail à construire ce socle européen des droits sociaux, à lui donner un contenu concret et contraignant pour que la politique européenne devienne le garant de la justice sociale et de la solidarité supranationale
  • Mobiliser et former nos membres pour qu’ils soient des « multiplicateurs » dans cette campagne de mobilisation autour de la mise en place du socle social européen
  • Militer lors des élections européennes de mai 2019 pour donner plus de poids aux élus qui s’engagent sur la voie de la justice sociale en Europe. Nous allons lutter contre toutes les forces populistes et nationalistes qui conduisent l’Europe vers l’abîme
  • S’engager résolument avec les plus faibles qui, dans le monde du travail, sont les plus vulnérables (femmes seules, personnes sans qualification, personnes malades, chômeurs de longue durée, migrants) afin qu’ils retrouvent leur dignité et leur place dans cette Europe