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Le Pacte vert et l’emploi : une transition forte et juste à travers le renforcement du dialogue social au sein de l’UE

Un séminaire sur le thème « Le Pacte vert et l’emploi : une transition forte et juste à travers le renforcement du dialogue social au sein de l’UE » s’est tenu du 29 au 30 novembre 2023 à Liège, en Belgique, organisé par BIE International VZW et le syndicat chrétien ACV-CSC Bâtiment - Industrie & Énergie (ACV-CSC BIE) en coopération avec EZA et financé par l’Union européenne. Il a réuni 47 représentant(e)s syndicaux venus de 14 pays européens. De plus, 22 dirigeants syndicaux de 11 pays hors UE ont participé en tant qu’observateurs, à l’invitation et aux frais de l’ACV-CSC BIE. 

Au cours de ce séminaire, nous avons étudié le pacte vert européen, notamment son impact (potentiel) sur l’emploi et les industries, et nous avons tiré des enseignements de différentes pratiques et différents projets. Le colloque a commencé par une explication très complète de ce qu’est le pacte vert et de la situation actuelle en Europe. M. Béla Galgóczi (chercheur en chef à l’Institut syndical européen) nous a guidés à travers la prise de décision politique sur ce sujet et la mise en œuvre concrète du pacte vert. 

L’étape suivante du programme consistait à se concentrer sur la manière d’intégrer le pacte vert dans le dialogue social sectoriel aux niveaux national et européen.  Mme Dimitra Penidis, conseillère politique et présidente (travailleurs) du Comité pour le dialogue social européen (CDSE) pour l’industrie chimique, ACV-CSC BIE, Belgique, était l’intervenante idéale sur ce sujet, étant donné son engagement actif dans le dialogue social sectoriel belge pour l’industrie chimique et sa position en tant que présidente du CDSE. 

Les participant(e)s au séminaire assumant tou(te)s des responsabilités politiques au sein de leurs syndicats sectoriels nationaux respectifs, nous avons demandé à cinq d’entre eux de nous faire part de leurs expériences syndicales concrètes concernant les différentes répercussions du pacte vert. Nous avons écouté les interventions de la France, des Pays-Bas, de l’Espagne, de Chypre et de la Finlande et nous avons pu nous faire une idée de la manière dont les partenaires sociaux des États membres gèrent les transitions. Les intervenants ont été M. Gijs Lokhorst (secrétaire à la division construction, CVN Vakmensen, Pays-Bas), M. Sergio Estela Gallgo (secrétaire du secteur construction et mines, UGT FICA, Espagne), M. Constantinos Eleftheriou (DEOK, Chypre), Mme Nina Kreutzman (conseillère aux affaires internationales, Rakennusliitto, Finlande) et M. Dominique Bousquenaud (secrétaire général, FCE CFDT, France). 

Après les expériences nationales, nous avons voulu examiner de plus près la manière dont les partenaires sociaux européens, les syndicats et les organisations d’employeurs traitent le sujet du pacte vert. Cela a donné lieu à un débat animé au cours duquel tou(te)s les intervenant(e)s ont souligné leur engagement quant au fait de contribuer à façonner les transitions, mais ont également formulé des attentes claires à l’égard de la Commission européenne. Salariés et employeurs ont clairement indiqué que les partenaires sociaux doivent être impliqués dans l’exécution et la mise en œuvre du pacte vert. La table ronde était composée des intervenant(e)s suivant(e)s : Mme Corinna Zierold (responsable de la coordination pour la transition juste, conseillère politique en chef, IndustriAll Europe), M. Tom Deleu (secrétaire général de la Fédération européenne des travailleurs du bâtiment et du bois, FETBB), Mme Emma Argutyan (directrice générale du Groupement européen des employeurs de la chimie, ECEG) et M. Domenico Campogrande (directeur général de FIEC, Fédération de l’industrie européenne de la construction). 

Après la vision des partenaires sociaux européens, il était temps d’examiner de plus près les perspectives de la politique de transition verte et numérique de la Commission européenne. M. Frank Siebern-Thomas (chef de l’unité « Transitions écologique et numérique justes, recherche » à la Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion de la Commission européenne, DG Empl) a partagé son expertise avec les participant(e)s d’une manière très complète mais également accessible. 

Bien entendu, les transitions verte et numérique ne constituent pas seulement un défi pour les États membres de l’Union européenne. L’Europe n’est pas une île isolée dans le monde et doit mettre en œuvre son pacte vert dans une réalité géopolitique complexe et tendue. Nous avons profité de la présence de dirigeants syndicaux extérieurs à l’UE (ils étaient en Belgique pour assister au congrès ACV-CSC BIE) pour demander à certains d’entre eux de quelle manière ces transitions sont gérées dans leurs pays respectifs et dans quelle mesure les partenaires sociaux sont impliqués.  Nous avons obtenu une vue d’ensemble passionnante et constaté que le reste du monde est lui aussi fortement engagé sur la voie des transitions.  Mais même en dehors de l’UE, les partenaires sociaux doivent se battre pour pouvoir réellement apporter leur contribution. La table ronde a donné la parole aux intervenant(e)s suivant(e)s : M. Yoshiki Ito (secrétaire général d’IndustriAll-JAF, Japon), M. Louis Beguin (président de la Fédération de l’industrie manufacturière, FIM-CSN, Canada), M. Diarraf Ndao (secrétaire général du syndicat de la construction SNTC/BTP, Sénégal) et M. Hoover Delgado (président de CTCE, Équateur). 

Les gouvernements nationaux jouent évidemment un rôle important dans la mise en œuvre du pacte vert et dans l’encadrement du dialogue social à cet égard. M. Thomas Dermine, secrétaire d’État à la relance économique et aux investissements stratégiques en charge de la politique scientifique, a expliqué en détail l’approche belge, en collaboration avec le ministre de l’Économie et de l’Emploi qui assistait au séminaire via une connexion en ligne. Comme pour les autres parties du programme du séminaire, sa présentation a donné lieu à une session de questions-réponses très intéressante avec les participant(e)s. 

Nous avons conclu notre séminaire avec deux exemples de bonnes pratiques provenant d’entreprises belges qui prennent déjà des mesures pour aligner leur production sur les objectifs du pacte vert. D’une part, l’entreprise Lhoist qui développe une alternative à la brique de béton traditionnelle. D’autre part, l’entreprise Knauff qui mène un projet visant à rendre la production de matériaux d’isolation aussi efficace que possible en matière d’émissions de CO2. Au cours de l’après-midi, nous avons été amenés à visiter l’entreprise Knauff et à découvrir ce projet fascinant dans la pratique. 

Conclusions

  1. Concernant la transition juste : 

    • Le Fonds de transition juste dispose de ressources limitées. 

    • Par le passé, les syndicats étaient habitués à gérer des changements motivés par la recherche de profit. La légitimité du changement était, à juste titre, remise en question. La gestion des changements induits par les transitions verte et numérique est différente. 

    • La transition s’accompagne de schémas de réorganisation similaires (pertes d’emplois, transitions, flexibilité et pression de travail accrues, par exemple), des problématiques auxquelles les syndicats ont l’habitude de s’atteler lorsqu’ils défendent les intérêts des travailleurs. 

    • Un environnement politique facilitant le changement est nécessaire et devrait couvrir le risque et une partie du coût d’un changement qui relève de l’intérêt commun. Cela implique que l’État endosse un nouveau rôle. 

    • Pour que la revendication d’une transition juste avec une ambition climatique devienne réalité, un contexte économique et politique favorable est nécessaire : un « État écosocial ». 

  2. Concernant le dialogue social sectoriel : 

  • Lutter pour le maintien d’un dialogue social tripartite réel et constructif à tous les niveaux (interprofessionnel, sectoriel et entreprise). 

  • Mettre les points qui ont recueilli notre attention à l’ordre du jour des instances de concertation interprofessionnelles, sectorielles et au sein des entreprises. 

  • Remettre l’individu au cœur du processus décisionnel (Industrie 4.0 ><5.0) 

  • Sensibiliser, informer, former, soutenir et armer nos militants afin qu’ils s’approprient les enjeux et fassent entendre la voix des travailleurs. 

  • L’aspect économique des transitions ne doit pas prendre le pas sur l’aspect social. 

  • Nous avons besoin d’une vision macro, globale des questions liées aux transitions. 

3. Concernant les partenaires sociaux : 

  • Les travailleurs et les employeurs sont ouverts au dialogue sur les transitions verte et numérique. 

  • Néanmoins, ils doivent être entendus sur toutes les questions : « Rien ne se fera pour nous sans nous ! » 

  • Le dialogue social doit être renforcé à tous les niveaux. Un dialogue avec des partenaires sociaux représentatifs qui mène à des accords contraignants et applicables. 

  • Les partenaires sociaux sont les acteurs privilégiés lorsqu’il s’agit de réaliser une transition juste et de prendre soin de celles et ceux qui risquent de devenir les victimes de ces transitions.