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L’après COVID-19 : Les nouveaux défis dans le monde du travail

Le Groupe Européen de la Pastorale Ouvrière (GEPO) s’est réuni à Charleroi du 14 au 16 février 2021 pour son colloque annuel. Le thème du colloque fut « L’après COVID-19 : Les nouveaux défis dans le monde du travail ».  Le séminaire a été organisé avec le soutien d’EZA et de l’Union européenne. 38 représentants d’organisations de travailleurs d’Allemagne, de Belgique, de France, du Luxembourg et du Portugal ont participé au séminaire.

La pandémie du covid 19 n’était pas seulement une crise sanitaire, mais a eu à travers les mesures de lockdown qui ont touché l’ensemble de l’humanité, des énormes conséquences sur la vie économique. Rupture des grandes chaines d’approvisionnement, fermeture de secteurs entiers, passage au télétravail, réorganisation de notre manière de faire société. D’une certaine manière cette période est une période de rupture et de reconstruction, dont il est difficile d’appréhender l’ensemble des conséquences pour l’avenir. La rencontre de Charleroi a permis de faire un premier bilan de ce qui a changé dans les pays respectifs et de confronter nos vues sur les changements en cours. Une conclusion provisoire pourrait être le mouvement général vers une digitalisation accrue de tous les aspects de la vie et du monde du travail. Ceci n’est pas sans conséquences sur notre rapport au travail et n’a pas pu être accompagné par le dialogue social vu l’urgence de la situation et la difficulté pour les travailleurs d’avoir des espaces de discussion et de négociation.

Dans la suite de notre colloque du début de l’année 2021, où nous avons débattu des enjeux liés aux processus de transformation induits par la question du changement climatique, la crise liés au covid pose avec une certaine radicalité la question du « Quo Vadis » de notre monde. Nombreux sont les travailleurs qui ont des angoisses existentielles. Pour ceux qui ont gardé leur emploi, les changements imposés ont des répercussions profondes sur leur rapport au travail. La culture du travail, construit autour de la présence physique sur son lieu de travail a été chamboulé pour de nombreuses personnes par le télétravail. La vitesse de ce basculement pose de nombreuses questions sur l’organisation du travail. De nombreuses problèmes attendent maintenant des réponses. Dès que nous sortons de la crise sanitaire, les partenaires sociaux et le politique devront se remettre à la table des négociations afin de poser un nouveau cadre qui tient compte de l’ensemble de ces enjeux.

De plus, nous avons collectivement fait l’expérience du peu de résilience de notre modèle de production face à une telle crise. De nombreux politiciens ont professé que nous devons relocaliser la production industrielle afin de garantir une certaine autonomie. Est-ce la fin de la mondialisation comme nous l’avons connue ? Somme nous au début d’un changement économique réel ? Le renforcement du « local » comme une réponse possible à la crise induite par la pandémie te par le changement climatique semble faire partie du nouveau narratif. Mais elle pose la question des répercussions sur les emplois à court et moyen terme. Comment accompagner les travailleurs face à ce changement de modèle ?

Les sujets suivants étaient débattus :

Matthieu de Nanteuil, Professeur à l’UCL (Institute for the Analysis of Change in Contemporary and Historical Societies) a dans son exposé introductif analysé les grands enjeux des valeurs qui sous-entendent les débats sur les grandes questions de l’avenir de l’humanité au niveau de la soutenabilité de la croissance économique. Il faut aujourd’hui rediscuter les cadres de justices afin de créer une base commune aux négociations entre travailleurs, patronat et politique.

Ana Carla Perreira du cabinet d’experts du commissaire Schmit a donné un aperçu sur les grands chantiers en cours au niveau de l’Union européenne : directive sur le salaire minimum, la digitalisation de l’économie, la question de l’« Ubérisation » du travail et les politiques en matière d’égalité homme-femme.

L’après-midi a permis d’avoir un aperçu sur des mesures de formation et de réinsertion sur le site de Monceau-Fontaines. Après un exposé (Nicolas Leonard, directeur) sur les nouvelles réalités dans le monde de la formation dans le cadre de la réinsertion professionnelle, les participants ont pu visiter plusieurs projets regroupés sur ce site et discuter avec les responsables.

Dans la suite Dimitri Leonard (chargé de cours UCL, ULB) a exposé la situation du monde du travail belge ainsi que les difficultés qui se posent au niveau de la réinsertion professionnelle.

La deuxième journée a débuté avec une remise en contexte de la doctrine sociale de l’Eglise dans l’analyse des enjeux de solidarité par Jean-Claude Brau. A partir des encycliques Laudato-Si et Fratelli Tutti on a pu poser les termes qui permettent d’entrevoir une autre manière de penser les questions de solidarité, individualisme, bien commun, dialogue social et dresser des perspectives pour notre engagement. Par après les différents pays, dont été issus les participants ont exposé la situation sur le marché du travail.

L’après-midi était réservé aux ateliers. Trois sujets furent débattus : L’emploi précaire et la mondialisation, la digitalisation et la question vie privée - vie professionnelle.

Le samedi matin Claude Rolin, ancien secrétaire général de la CSC et ancien député européen, a proposé une réflexion sur comment se mobiliser sur les questions de justice sociale. 

Résultats

Il existe un large consensus autour de la question que les effets liés au covid 19 n’ont pas touché de manière égales ni les secteurs économiques, ni les différentes régions ni les différentes catégories de travailleurs. Certains secteurs ont été touché et c’est surtout les plus faibles qui ont payés le prix les plus élevés. La question de la justice sociale et de la protection sociale pour les emplois précaires doit être remis en haut de l’agenda politique.

Néanmoins, on doit aussi prendre ne compte certaines avancées positives au niveau du monde du travail. Le télétravail est considéré, sous condition d’un futur encadrement légal, comme bénéfique pour de nombreux salariés car elle facilite (sous certaines conditions) la conciliation entre vie privée et vie de travail. Mais il faut veiller à ce que cette digitalisation soit bien le fruit du dialogue social, donc issu d’une négociation collective. De même, la discussion autour de la relocalisation, permet d’espérer la fin d’une mondialisation tout azimut, ce qui pourrait être une chance de développement pour des régions structurellement faible ne Europe. Ceci est aussi en concordance avec la recherche de nouvelles solutions au niveau pour contrer la crise climatique. De plus nous avons pu nous rendre compte de ce qui est aujourd’hui encore des professions essentielles. Ceci nous ramène à une vraie discussion sur les finalités économique et les valeurs à défendre. Dans ces stratégies il faut inclure la question de la sécurité sociale qui est au cœur de la solidarité. Il faut la renforcer au lieu de la fragiliser par des réformes structurelles qui souvent ne sont rien d’autre que la privatisation.

La digitalisation :

  • Il faut créer un cadre légal par la négociation (dialogue social) pour le télétravail
  • Nous devons garantir aussi à l’avenir que les « clients » puisse accéder à tous les services sans devoir passer par le monde digital (accessibilité pour tous).
  • Investir dans la formation et surtout dans la formation continue
  • Développer un cadre européen qui gère les questions nouvelles liées à la digitalisation et le télétravail : signature électronique, revoir la directive sur le détachement dans ce cadre, favoriser des réseaux et applications européennes

L’emploi précaire

  • Il faut donner la parole aux personnes qui vivent et travaillent dans des conditions précaires et construire des véritables solutions avec eux.
  • Il faut améliore les conditions de travail et la rémunération des jeunes. Trop de jeunes doivent accepter des contrats précaires qui ne leur permettent plus de construire une vie autonome.
  • Il faut aider les plus pauvres à accéder à leurs droits qu’ils ignorent souvent.

Vie privée – vie professionnelle

  • Les changements vécus sur le rapport entre vie privée et vie professionnelle sont nombreux et divers. Ils ont été accélérés par la crise sanitaire et les mesures d’isolement décidé. Nous pouvons noter :
    • Les moyens utilisés dans la vie privés (locaux, PCs, connexion internet, chauffage…) ont été utilisés pour le travail, le suivi de cours par les enfants. Ces moyens ne sont pas toujours dimensionnés pour cela et cela et cela a engendré des coûts supplémentaires pour les familles.
    • Le foyer familial a dû s’adapter à des présences multiples pendant les moments consacrés au travail ou aux études. Les femmes en télétravail ont parfois été pénalisé par le manque d’espace dédié
    • Le lieu de travail collectif est un lieu de débat entre personne du même métier. Ces discussions, ces « disputes » sont des moments de prise de recul nécessaire pour bien vivre sa vie au travail
  • Dans cette période nous avons constaté que qu’il y avait besoin de fixer des règles collectives de déconnexion pour donner un cadre au temps de travail, pour répondre au sentiment du soupçon d’inactivité dans les périodes de télétravail.
  • Tous ces changements doivent intégrer dans le dialogue social pour trouver des réponses concertées et équilibrées.

Décisions

    • Mener conjointement un combat pour une nouvelle économie plus respectueux des enjeux sociétaux, tant au niveau de nos pays qu’au niveau international. L’après covid devra nous amener à un nouvel humanisme centré sur les varis besoins des gens.
    • Sensibiliser tous nos organisations et nos membres que l’enjeu de la crise covid nécessite une approche cohérante, tant au plan individuel que des politiques. Toutes les questions sont interdépendantes et nous sommes conscient que nous devons reconstruire une autre économie qui replace l’homme au centre de sa démarche.