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Le changement démographique au sein de la population active : le vieillissement et ses importantes implications pour les systèmes de pension et le rôle des syndicats européens

Du 16 au 17 septembre 2021, un séminaire portant sur « Le changement démographique au sein de la population active : le vieillissement et ses importantes implications pour les systèmes de pension et le rôle des syndicats européens », organisé par KIKEA-DEOK (Institut chypriote de formation/d’enseignement et d’emploi (KIKEA) - DEOK) et avec le soutien et l’aide financière d’EZA et de l’Union européenne, a eu lieu à Larnaca à Chypre.

Des représentants d’organisations de travailleurs originaires de Chypre, de Bulgarie, de Lituanie, de Lettonie, de Roumanie, du Portugal, de France et de Belgique ont participé au séminaire.

Le séminaire a permis aux représentants syndicaux et aux autres organisations de travailleurs et parties prenantes d’écouter et de discuter des discours liminaires prononcés par des experts sur les changements démographiques dans la main-d’œuvre et les implications majeures pour les systèmes de retraite et le rôle des syndicats européens. Les situations nationales, les tendances dans les différents États membres de l’UE et/ou les États membres candidats ont fait l’objet d’une analyse et d’un échange de vues. Les participants au projet ont partagé des présentations et des observations sur les bonnes pratiques de formation aux niveaux national, régional et européen. Le séminaire a présenté la nécessité et le rôle essentiel du dialogue social visant à améliorer la représentation des travailleurs. Enfin, le séminaire s’est concentré sur les moyens et les objectifs d’un dialogue social efficace en discutant des meilleures pratiques et des échecs en termes d’initiative syndicale et de plans d’action appliqués dans les différents pays jusqu’à présent.

Le défi critique existant exige des actions et des initiatives intensives de dialogue social tant au niveau national qu’européen. L’objectif général du séminaire était d’améliorer la compréhension du rôle des partenaires sociaux et de renforcer leurs capacités à et leur responsabilité d’offrir une meilleure représentation des travailleurs face aux changements démographiques. Il a également été conçu pour donner l’occasion aux représentants syndicaux et à d’autres parties prenantes publiques et privées de discuter, d’analyser et de réagir aux défis communs auxquels sont confrontés les syndicats en ce qui concerne les implications majeures pour les systèmes de retraite et le rôle des syndicats européens.

Résultats

Les retraites représentent le principal revenu de 25 % de la population européenne. Ce taux augmente chaque année en raison des changements démographiques en cours. Entre 2023 et 2060, la main-d’œuvre européenne devrait diminuer de 8,2 %.

À Chypre, selon la dernière étude disponible de 2021, la viabilité du Fonds de sécurité sociale est entièrement assurée jusqu’en 2080.

Les taux de pauvreté ou d’exclusion sociale chez les personnes âgées à Chypre ont considérablement diminué au cours de la période de 2008 à 2020. Cette diminution est attribuée au versement de prestations sociales complémentaires aux retraités à faible revenu.

Ces dernières années, un accent particulier a été mis sur la protection des droits des salariés, à travers la mise en œuvre de politiques telles que : l’extension de l’allocation de chômage, l’octroi d’allocations de chômage aux travailleurs indépendants (en raison de la pandémie), le régime de vacances subventionné, l’augmentation de la pension légale des anciens combattants, des prisonniers et des invalides de la guerre de 1974, la pension légale spéciale pour les patients thalassémiques à partir de 50 ans, le régime de règlement échelonné des cotisations dues à la Caisse de sécurité sociale, la législation prévoyant des sanctions dissuasives strictes pour lutter contre le travail non déclaré, la création d’un service d’inspection des droits des travailleurs, le dialogue social, l’établissement par la loi de la semaine de travail de cinq jours dans les magasins généraux, l’établissement des droits des salariés dans les secteurs de l’hôtellerie et de la construction, la mise en place du système d’information ERGANI.

En vue de rétablir et de consolider davantage les droits des citoyens, les éléments suivants sont également en cours : le dialogue social pour établir un salaire minimum national, la révision du système de sécurité sociale pour simplifier la législation, la réforme des retraites, l’évaluation de la situation actuelle des services d’assurance sociale et la transformation numérique.

Les caisses de prévoyance constituent le deuxième pilier du système de prévoyance. Selon les dispositions de la loi sur la protection des salaires, les cotisations à la Caisse de prévoyance, le cas échéant, font partie du salaire et le défaut de paiement de l’employeur constitue une infraction pénale.

La réticence à souscrire à des régimes de retraite continue d’être un problème. La pension équivaut à 70 % du revenu avant la retraite. Selon diverses sources, l’écart mondial en matière de retraite s’élève à environ 41 000 milliards de dollars et devrait atteindre 400 000 milliards d’ici 2050. L’écart de retraite est défini comme la différence entre la valeur actuelle du revenu annuel requis pour maintenir un niveau de vie raisonnable et le montant réel épargné.

Les salariés ne souscriront qu’à un régime de retraite bien compris. Les informations fournies doivent être faciles d’accès et très claires.

Les citoyens doivent être informés des régimes de retraite disponibles et des différentes options dont ils disposent.

La politique démographique actuelle a un effet sur la retraite. Il est nécessaire de compléter le deuxième pilier des fonds de prévoyance dans lequel les contributions sont versées. Les bénéficiaires sont les salariés dans le processus de production. La principale caractéristique du deuxième pilier est la fragmentation. Auparavant, il s’agissait de fonds autogérés, mais on avait un manque de connaissances adéquates. La crise financière de 2013 a révélé un bon nombre de leurs faiblesses. Leur valeur totale est passée de 4 milliards à 2,8 milliards.

Les contributions à ces fonds font l’objet d’allégements fiscaux. Avec les procédures appropriées, une supervision correcte, un audit interne, la fourniture d’informations aux  membres, la gestion des risques et transparence, le deuxième pilier est bénéfique pour les individus.

En France, la population de plus de 60 ans augmente actuellement d’environ 2 millions par an, soit près de dix fois plus qu’à la fin des années 90 et au début des années 2000. Parallèlement, le nombre de personnes appartenant au groupe d’âge le plus productif (20 à 59 ans) diminuera chaque année au cours des prochaines décennies, car la génération du baby-boom sera remplacée par des groupes beaucoup plus petits. En France, la retraite est couplée au salaire et non à l’inflation.

La Bulgarie occupe la 4ème place mondiale en matière de vieillissement de la population. Sa population n’est pas renouvelée. Un grand pourcentage migre à l’étranger à la recherche de revenus plus élevés. Le taux de travail non déclaré est important. L’âge de la retraite, actuellement fixé à 63 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes, devrait passer à 65 ans pour les hommes et les femmes. Pendant la pandémie, de nombreux retraités ont reçu une allocation de 125 euros.

En Belgique, environ 138 personnes inactives dépendent de 100 salariés, mais en 2050, on estime que 250 personnes inactives ne dépendront que de 100 emplois. Afin d’assurer l’équilibre du financement de la sécurité sociale, le nombre de salariés doit augmenter fortement. Il sera difficile pour les générations futures de toucher les mêmes montants de retraite que les groupes d’après-guerre. Depuis 2013, le gouvernement aide les personnes âgées à trouver un emploi et le taux d’emploi dans le groupe d’âge des 55 à 64 ans a considérablement augmenté; on travaille pendant plus d’années, on a mis fin aux systèmes de retraite anticipée. Des cotisations appropriées doivent être versées pour tous les types de contrats et toutes les formes de rémunération, une meilleure compatibilité entre vie professionnelle et vie familiale, l’apprentissage tout au long de la vie et la retraite anticipée pour les travaux lourds étant également nécessaires.

En Roumanie, l’administration du système de retraite repose sur un accord tripartite composé du gouvernement, des employeurs et des syndicats. L’association nationale des retraités est également représentée. Seulement 81,3% du total de 90 milliards de lei sont versés sous forme de cotisations pour les retraites, le reste est prélevé sur le budget de l’État. Le ratio de l’assurance vieillesse au salaire moyen net en Roumanie en 2021 est de 54 %. L’idée d’introduire un nouvel âge limite de départ à la retraite est testée (de 65 à 70 ans inclus). Les besoins suivants sont identifiés : augmentation du nombre de personnes ayant cotisé pour la retraite, meilleure coopération en matière de retraites au niveau de l’UE, accumulation de cotisations payées par les migrants temporaires, augmentation de la valeur des administrateurs privés.

En Lettonie, trois types de retraite disponibles pour chaque salarié et une grande partie de la population n’est pas au courant de cette option. Les femmes donnent naissance à 1,9 enfant en moyenne, alors que pour que le système soit viable, ce nombre doit passer à 3,5 enfants. À l’heure actuelle, 15 000 personnes entrent sur le marché du travail, au lieu du nombre souhaité de 30 000. Les migrants entrent dans le pays et les deux États accordent une allocation de 120 euros pour chaque enfant migrant par mois tandis que les résidents permanents reçoivent 20 euros par enfant et par mois.

Au Portugal, le système est basé sur les cotisations obligatoires versées par les salariés et les employeurs. Le système comprend la souscription au régime général de sécurité sociale qui est obligatoire pour les salariés et les travailleurs indépendants et le système d’assurance sociale facultative couvrant les personnes possédant les compétences requises pour travailler qui ne sont pas soumises au système d’assurance obligatoire. Au cours des prochaines années, le Portugal connaîtra une crise démographique importante, la population en âge de produire diminuera d’un tiers d’ici 2050, si aucune mesure appropriée n’est prise pour inverser les tendances actuelles. Cela entraîne évidemment des pertes pour le système de retraite. Aujourd’hui déjà, 21 % des 10,4 millions d’habitants du Portugal ont plus de 65 ans. Le vieillissement de la population, conjugué à la perte de 700 000 emplois en raison de la profonde crise financière de 2008 à 2013, devrait entraîner une situation désastreuse pour les retraites et le système de santé. Pour prévenir le risque ou l’effondrement, le rapport de l’OCDE propose des incitations pour que les salariés restent sur le marché du travail pendant de plus longues périodes et des mesures structurelles dans le système d’assurance sociale.

Lorsque nous parlons de l’avenir, nous devons assurer la viabilité du régime national d’assurance vieillesse. Les retraites doivent être adéquates pour tous. Le système général de sécurité sociale est un système obligatoire et contributif basé sur la rémunération qui couvre toutes les personnes exerçant une activité salariée à Chypre, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé, y compris les travailleurs indépendants. Le système d’assurance vieillesse est d’une importance majeure : il affecte directement l’économie, le marché du travail et le niveau de vie des citoyens. L’allongement de l’espérance de vie, les faibles taux de natalité, les conditions économiques (taux de chômage et d’emploi, taux de croissance de l’économie), le cadre institutionnel et d’autres facteurs influent sur son évolution et ses performances futures.

Nous devons procéder à l’évaluation complète du système, afin de couvrir non seulement sa viabilité et le caractère adéquat de ses prestations, mais aussi la gestion des fonds de prévoyance, la planification financière et, en particulier, le rôle du secteur privé dans la garantie des prestations de retraite.

La garantie d’un système de retraite adéquat et viable pour les citoyens doit être la priorité de chaque pays. Étant donné que le premier pilier du Fonds de sécurité sociale ne suffit pas pour toucher une retraite décente, les deuxième et troisième piliers doivent être davantage développés.

La baisse des taux de natalité et l’augmentation de l’espérance de vie ont un impact financier sur la protection sociale, l’augmentation des dépenses, la santé et, bien sûr, les systèmes de retraite. Il est nécessaire de réformer les systèmes de retraite pour assurer leur viabilité et leur caractère adéquat à long terme.

Il est nécessaire de réformer les systèmes du premier pilier et d’assurer leur viabilité et leur caractère adéquat à long terme (augmentation des taux de remplacement), en allongeant l’âge de la retraite et en développant et en promouvant des systèmes de prévoyance professionnelle complémentaire dans le cadre du deuxième pilier. La formation, l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie ainsi que l’acquisition de compétences modernes sont essentiels, l’adoption de systèmes de travail flexibles entraînant une augmentation de l’emploi et de la productivité. En outre, afin d’assurer la viabilité du Fonds, le travail non déclaré doit être combattu.

La pandémie a en outre mis en évidence la nécessité de s’attaquer aux problèmes actuels, de moderniser le système de sécurité sociale et les procédures pertinentes, le service immédiat et précis fourni aux citoyens, en s’éloignant des méthodes de fonctionnement traditionnelles nécessitant une présence physique, via des demandes en ligne, des examens en ligne, des paiements en ligne.

Le 17 juin 2020, la Commission européenne a approuvé le rapport sur l’impact de l’évolution démographique. Le rapport vise à présenter une analyse comparative de la mesure dans laquelle les systèmes de retraite dans les États membres de l’UE permettent aux personnes âgées de prendre leur retraite en touchant un revenu adéquat, aujourd’hui et à l’avenir, reflétant les réformes des retraites, ainsi que les changements sous-jacents et les défis actuels ou futurs dans nos sociétés.

Le rapport se compose de deux volumes. Le volume I est consacré à l’analyse comparative du caractère adéquat des régimes de retraites dans l’UE, tandis que le volume II (Profils de pays) fournit une discussion détaillée sur les développements dans chacun des 27 États membres.

Le rapport note qu’aucun progrès n’a été réalisé pour réduire le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale chez les personnes âgées dans l’UE, que le maintien d’un niveau de vie adéquat tout au long de la retraite reste un défi, en particulier pour les femmes, que les inégalités de revenus entre les personnes âgées persistent, que les carrières futures doivent durer plus longtemps pour pouvoir maintenir des retraites adéquates, que les systèmes de retraite évoluent et nécessitent donc une révision de leurs sources de financement.

La combinaison de l’augmentation de l’espérance de vie et des faibles taux de natalité pèsera sur les finances publiques et sur la diminution progressive de la valeur de la « réserve » accumulée par le Fonds d’assurance sociale.

Le système de protection sociale doit être le principal pilier, avec une contribution significative à la réalisation de l’équilibre optimal entre la viabilité sociale et financière, répondant efficacement à la lutte contre la pauvreté et fondé sur les principes de solidarité.

Les retraites professionnelles doivent jouer un rôle complémentaire mais substantiel, contribuant au caractère adéquat du revenu de retraite. Leur cadre de fonctionnement doit être modernisé et le contexte législatif doit être renforcé.

Le financement du système de protection sociale et le rôle de l’État doivent être clairs et efficaces.

Le système doit pouvoir s’adapter à l’évolution des conditions démographiques et économiques.

De nouvelles formes de travail et d’emploi non standardisés doivent être encouragées.

L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est une dimension importante de l’inégalité entre les sexes, avec des effets multiples tant au niveau social qu’économique, affectant inévitablement les retraites des femmes à long terme.

Selon le rapport 2021 sur le caractère adéquat de régimes de retraites du Comité de la protection sociale, l’écart de retraite a diminué dans l’Union européenne, passant de 32,3 % en 2016 à 29,5 % en 2019. Néanmoins, la convergence entre les pays a été limitée et les écarts restent importants.

Selon le rapport sur le caractère adéquat des régimes de retraite, Chypre, qui avait le plus grand écart de pension en 2016, a enregistré la plus forte baisse, atteignant un peu moins de 40 %. Le risque de pauvreté chez les femmes de plus de 65 ans était de 26 %, comparativement à 23 % chez les hommes du même groupe d’âge. 

La réduction de l’écart des retraites entre les sexes exige une approche globale du problème, avec une diminution de l’écart de rémunération entre les sexes et la participation accrue des femmes au marché du travail, associée à l’adoption de mesures et de politiques visant à compenser les écarts d’assurance pour les femmes en raison de leur participation plus faible au marché du travail. Le régime d’assurance sociale ne différencie pas l’âge en fonction du sexe et accorde des retraites aux hommes et aux femmes sur la base des mêmes exigences.

En outre, le régime d’assurance sociale accorde aux femmes des crédits pour l’acquisition du droit à la retraite ou l’augmentation du montant de la retraite pour une période maximale de cent cinquante-six semaines dans les douze ans suivant la naissance ou l’adoption de chaque enfant, afin de combler les lacunes de leur assurance. Des crédits sont également accordés pour les périodes pendant lesquelles l’assuré s’absente du travail ou se trouve en congé parental.

On estime qu’au cours de la période de 2025 à 2030, le nombre d’étudiants en cours d’enseignement professionnel et de formation diminuera de deux millions, tandis que le nombre de diplômés diminuera de 600 000. Cette diminution du nombre d’étudiants et de diplômés pourrait entraîner des pénuries sur le marché du travail pour les diplômés de l’enseignement professionnel.

Le vieillissement de la population européenne impose une évaluation de la main-d’œuvre tout au long de sa vie. Cela peut se faire par l’amélioration de la qualité du travail, de meilleurs investissements dans le capital humain, l’égalité des chances et la modernisation des systèmes de protection sociale. Les États membres offrent de plus en plus une formation et un soutien ciblés aux travailleurs non qualifiés, aux migrants, aux groupes ethniques, aux jeunes quittant l’école, aux travailleurs âgés et aux personnes handicapées.