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L’engagement aujourd’hui : pourquoi les travailleurs s’organisent-ils et pourquoi devraient-ils le faire ?

Quelles sont les raisons pour lesquelles les travailleurs s’organisent aujourd’hui ? Comment pouvons-nous les atteindre en tant que syndicat ? Que pourrait-on faire de mieux ? De quels outils avons-nous besoin et dont nous disposons en tant que syndicalistes pour impliquer les gens ? Ce sont des questions-clés pour les syndicats aujourd’hui. Les syndicats ont des difficultés à garder leurs membres et à en attirer de nouveaux. Pourquoi en est-ce le cas ? Les syndicats ont-ils perdu leur importance? Les syndicats sont-ils considérés comme démodés ? Ou ont-ils des difficultés à communiquer avec (le nouveau type de) travailleurs ou à trouver des réponses appropriées aux défis actuels ?

Au cours d’un séminaire de deux jours portant sur « L’engagement aujourd’hui : pourquoi les travailleurs s’organisent-ils et pourquoi devraient-ils le faire ? », qui s’est tenu à Trogir, en Croatie, du 26 au 28 février, plus d’une trentaine de représentants d’organisations de travailleurs de dix pays européens ont discuté de la situation actuelle et des stratégies futures possibles en vue de grandir en tant que mouvement. Grandir en nombre de membres, en pertinence et en niveau d’influence. Le séminaire était organisé par l’Organisation mondiale des travailleurs (OMT) en coopération avec le Centre européen pour les questions des travailleurs (EZA) et avec l’aide financière de l’Union européenne.

Le séminaire a été ouvert par le président du syndicat croate Republički sindikat radnika, M. Ivan Majdak. Il a souligné l’importance du sujet, en dépit du fait que le mouvement syndical soit bien développé en Croatie. À l’heure actuelle, on compte cinq centrales syndicales dont trois sont représentatives et négocient les conventions collectives de travail. En 2019, les syndicats ont lancé deux actions. La première portait sur l’âge de la retraite. Le gouvernement voulait l’augmenter à soixante-sept ans, mais par le biais d’un référendum au cours duquel 650 000 signatures ont été recueillies contre ce projet, et le Gouvernement a alors décidé d’annuler cette décision. La deuxième action a été la grève des enseignants qui a duré un mois. Finalement, les enseignants ont obtenu une augmentation de salaire de 6 %. Ces deux actions montrent l’importance des syndicats.

Dans sa contribution « Les syndicats à un tournant décisif », M. Davorko Vidović, conseiller pour la politique du travail et l’emploi, à la Chambre croate de l’économie, a donné un aperçu historique de la relation entre l’employeur et le salarié en Croatie et dans la région. Bien que le paradigme ait changé, on peut encore observer que l’ancienne relation est toujours dominante. Le nombre de raisons souvent mentionnées, à cause desquelles l’adhésion est en baisse, sont le néolibéralisme, la désindustrialisation, le fait que la direction d’entreprise assume le rôle des syndicats et que les syndicats ne soient pas assez flexibles et attrayants, pour n’en nommer que quelques-uns. Dans le cas de la Croatie, les gens ne croient pas toujours que les syndicats aient la bonne idéologie et ils pensent que la famille et les amis font pression sur les gens pour que ceux-ci ne les rejoignent pas. Les syndicats devraient donner des réponses à ces questions. Ils devraient le faire en étant proactifs et éventuellement coopératifs (partenariat avec d’autres organisations partageant les mêmes visions ; celles-ci n’ayant pas nécessairement besoin d’être des syndicats). M. Vidović était certain que les syndicats ne disparaîtraient pas en raison de leur intégration verticale (Gouvernement et employeurs), ainsi que de leur intégration horizontale (la base des travailleurs). Les syndicats sont dans la position idéale pour trouver des solutions. Cela requiert l’adoption de visions et d’objectifs clairement définis avec un nouveau type de leadership charismatique et conscient des problèmes de la société d’aujourd’hui.

Dans sa présentation intitulée « Nous ne sommes forts qu’ensemble », M. Markus Hiesberger, secrétaire régional de GPA-djp (syndicat des employés privés, impression, journalisme et papier) a décrit le marché du travail, le système juridique et le fonctionnement de la représentation des travailleurs en Autriche. Le GPA-dip négocie environ cent-quatre-vingt conventions collectives sur un total de cinq cents. Celles-ci sont généralement valables pendant douze mois. Et environ 95 % des salariés en Autriche sont couverts par une convention collective de travail. Au niveau de l’entreprise aussi, on constate une représentation à différents niveaux. C’est beaucoup pour les questions sur le lieu de travail particulier. Le système autrichien est tel que les travailleurs sont représentés à différents niveaux (au niveau national et au niveau des entreprises).

Dans la « Nouvelle génération – Trouver et attirer de jeunes syndiqués », Mme Chantal van Binsbergen et M. Frederick Pellis, consultants syndicaux, la CNV (Fédération nationale des syndicats chrétiens) Vakmensen, ont présenté l’initiative  « Essayer le syndicat ». Grâce à ce programme, ils offrent l’adhésion gratuite pour les étudiants jusqu’à l’âge de vingt-trois ans ainsi que des conseils juridiques, des chèques de salaire, une réduction sur l’assurance maladie et un service fiscal. Pour entrer en contact avec ces jeunes, ils visitent les écoles pour leur expliquer ce que fait le syndicat. Les principaux problèmes relevés au cours de ces visites scolaires étaient le manque de sensibilisation aux droits du travail; l’image du syndicat, l’anxiété (sentiments de déséquilibre des forces), la complexité et le manque de confiance. Alors que les principaux problèmes, auxquels les millénaires sont confrontés, étaient le manque de sensibilisation aux droits du travail, l’abus par les employeurs de l’ignorance, l’abus par les employeurs des droits du travail avec le travail flexible, les paiements de stages, les dettes d’études et l’épuisement professionnel.

À travers le programme « Essayez le syndicat », la CNV Vakmensen a attiré 8241 nouveaux membres. 30 % des membres libres sont devenus des membres rémunérés après l’âge de vingt-trois ans. Ce qui est le plus important, c’est la communication appropriée dirigée sur les nouvelles générations. Car cette confiance est essentielle. La présentation s’est terminée par la position suivante qui était « La nouvelle génération ne sait pas ce que les syndicats sont ou font. Est-ce une menace, ou devons-nous voir cela comme une opportunité ? Cela pourrait fonctionner dans les deux sens !

M. Gerald Silbernagl, président du comité d’entreprise des cols blancs Mondi Neusiedler, en Autriche, s’est concentré sur l’importance d’être un membre syndical. Sa contribution intitulée « Être solidaires au lieu d’être des combattants solitaires » a montré que, par exemple, en dépit du fait qu’en Autriche, il n’était pas nécessaire d’être membre d’un syndicat lorsqu’on souhaitait faire partie d’un comité d’entreprise, il était essentiel de promouvoir le syndicat et d’obtenir tous les conseils et le soutien nécessaires. M. Silbernagl a approfondi tous les avantages de l’adhésion syndicale.

Les groupes de travail, où les participants ont discuté des raisons incitant à devenir ou à ne pas devenir membre, ont clôturé la première journée.

La deuxième journée du séminaire a commencé par la présentation de M. Hrvoje Butković, associé principal de recherche au Département d’intégration européenne, à l’Institut pour le développement et les relations internationales. Il a discuté du « mouvement syndical en Croatie : de la situation actuelle et des perspectives de développement ». En Croatie, il n’y a que deux accords sectoriels (dans la construction, la restauration et le tourisme). Dans la plupart des cas, les accords sont établis au niveau de l’entreprise.

M. Butković a déclaré que la principale raison pour laquelle les jeunes en Croatie (et dans la région) ne rejoignaient pas un syndicat était due à ce qu’ils se trouvaient dans une position précaire. En outre, ceux-ci ne voulaient pas « contrarier » leurs employeurs. Cela est problématique. Ce que l’on peut voir en Croatie (comme ailleurs), c’est que beaucoup de jeunes travaillent avec des contrats atypiques. Ce qui les rend très vulnérables.

Ce qui est nécessaire en Croatie, c’est l’élaboration d’une nouvelle loi sur le travail où de nouvelles méthodes de travail soient reconnues. Cela ne s’est pas produit jusqu’à présent. En outre, les syndicats devraient se concentrer davantage sur les travailleurs atypiques. Avec plus de visibilité, cela serait vraiment bénéfique pour le mouvement syndical. Les syndicats devraient moins se concentrer sur la démocratie directe.

La dernière partie du séminaire était un atelier où les participants avaient été invités à développer une campagne ayant pour devise « Je suis intelligent et donc un membre du syndicat ». Les principaux résultats ont montré que la confiance était essentielle. Cela est différent par pays. En outre, les (jeunes) devraient être informés davantage de ce qu’est et de ce que fait un syndicat. Les syndicats devraient se rendre plus visibles. Visiter les écoles est un bon moyen de devenir plus visible. L’autre proposition était de promouvoir le syndicat par le biais de cafés-karts. De plus, une adhésion à emporter (pendant six mois) serait un bon moyen d’attirer de nouveaux membres.

La perception générale de tous ceux qui ont assisté au séminaire est d’y avoir vu des chances pour les syndicats, bien que cela exige des efforts et des changements. Ce qui est positif, c’est que tous les acteurs étaient d’avis que les syndicats avaient l’avenir devant eux et qu’ils continueraient d’avoir un rôle important à jouer sur le marché du travail et dans la société dans son ensemble.