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Travailleurs 4.0 - Adaptation des travailleurs aux exigences des innovations technologiques

Le séminaire international « Travailleurs 4.0 - Adaptation des travailleurs aux exigences des innovations technologiques » s’est déroulé à Maribor, en Slovénie, du 26 au 27 janvier 2018. Il était organisé par l’Association des travailleurs ZD NSi (Združenje delavcev Nove Slovenije), en coopération avec l’Académie sociale et l’Institut dr. Janez Evangelista Kreka, avec l’aide financière du Centre européen pour les travailleurs (EZA) et l’Union européenne.

En tant que représentants d’organisations de travailleurs, nous voyons que l’industrie ainsi que le secteur des services sont en train de changer rapidement au cours de l’ère de la 4ème révolution industrielle. Nous assistons à des innovations telles que l’internet des choses, les appareils mobiles, le traitement en masse des données, la robotique, l’impression 3-D et l’ingénierie génétique. Ces changements technologiques apportent de même des changements sociologiques, économiques, politiques et autres. De nouvelles façons de créer, de produire et de vendre des produits sont en train d’émerger. Les modèles de gestion ont changé. En individualisant les demandes des autres, les frontières entre les produits et les services sont effacées (par exemple : l’utilisateur ne commande pas les produits, mais seulement leur description, puis il « l’imprime » lui-même). De nouveaux problèmes éthiques surgissent qui devront être résolus avant qu’ils ne s’intensifient.

Le marché du travail dans le monde 4.0

En ligne, avec ces changements sociaux, le marché du travail change. Influencé par plusieurs facteurs, par exemple, le vieillissement de la population qui entraînera à l’avenir une pénurie de main-d’œuvre, et l’automatisation de la production qui conduira à une main-d’œuvre excessive. Les projections des excédents de main-d’œuvre à moyen terme sont si diverses – certains prédisent que la main-d’œuvre sera trop peu nombreuse à l’avenir et d’autres qu’il y en aura trop. La plupart des experts s’accordent à dire qu’à l’avenir, nous constaterons un chômage structurel encore plus important et que nous serons confrontés à une forte demande pour certaines professions et à un manque d’intérêt pour les autres.

La nature du travail est également en train de changer. Les changements d’emploi seront même encore plus fréquents qu’il y a quelques années. De plus en plus de personnes travailleront dans le nuage, distance et sur diverses plateformes en ligne. Les frontières entre les heures de travail et le temps libre sont effacées. Parmi les entreprises, la proportion de microentreprises, de petites et moyennes entreprises augmente. Les structures organisationnelles sont de plus en plus flexibles. La tendance toujours croissante est le recrutement des travailleurs pour un service individuel pour le compte d’un travail (régulier). La spécialisation du personnel croît et la nécessité de leur intégration dans les réseaux mondiaux augmente. Les consommateurs ont été également impliqués dans les processus de conception du produit, et les frontières entre les fabricants et les utilisateurs sont également effacées (prosommateur). Dans certaines industries, les environnements de travail (ou les bureaux) sont principalement les zones de contacts sociaux (bureaux latte machiato).

Les réponses des pays aux changements sur le marché du travail

De nombreux pays de l’UE ont des problèmes à relever les défis de l’industrie 4.0 au niveau de l’élaboration des politiques. Les nouvelles formes d’emploi mènent à l’obsolescence de la législation du travail actuelle et aboutissent souvent à des statistiques de chômage irréalistes. L’un des facteurs-clés pour relever avec succès les défis du marché du travail à l’avenir est la capacité de prédire les situations futures. La simple pensée linéaire, basée sur l’hypothèse que la situation ne changera pas de manière significative, n’est pas probablement capable de produire de bons résultats.

Des ajustements législatifs sont nécessaires dans plusieurs domaines : l’emploi, l’éducation, la formation, le soutien aux entreprises (législation économique) et la politique fiscale. Nous devons agir rapidement. Les pays, qui n’ont pas agi assez vite, sont déjà confrontés à la fuite des cerveaux et à l’émigration, au fur et à mesure que le marché du travail se mondialise.

Le séminaire a souligné les exemples du travail 4.0 du Livre blanc et du Livre vert (Allemagne), le comité de numérisation en France (connu par exemple par le « droit à la déconnexion »), la stratégie de la spécialisation intelligente en Slovénie et la plateforme pour les travailleurs indépendants qui fournit, dans quelques pays, des conseils avec des services juridiques et sanitaires et une assistance à la coopération transfrontalière etc.

Compétences pour le travail dans l’ère de l’industrie 4.0

À l’ère de la 4ème révolution industrielle, quelques métiers sont en voie de disparition, tandis que d’autres sont en train d’émerger. Selon quelques données, plus de la moitié des élèves d’aujourd’hui, qui sont à l’école primaire, travailleront dans des métiers qui n’existent même pas aujourd’hui. Le but de l’éducation devrait être qu’une personne puisse être impliquée activement dans le processus de travail, immédiatement après avoir terminé l’école. Cependant, en général, la vaste majorité prouve que cela n’est pas le cas. Cela peut être réduit par des partenariats stratégiques entre les établissements d’enseignement, les institutions de recherche et les entreprises.

En raison de l’incertitude sur l’avenir des professions, il est utile de parler des compétences outre des professions. Les compétences sont divisées entre les compétences générales (dont chacun a besoin, par exemple, dans une industrie spécifique) et les compétences spécifiques (dont seules quelques personnes ont besoin). Dans l’industrie 4.0, il arrive souvent que les compétences passent des connaissances spécifiques, en l’espace de quelques années, aux compétences générales (par exemple : l’utilisation d’un smartphone était, il a y a des décennies, une compétence spécifique, devenue aujourd’hui une compétence générale).

Les entreprises doivent répondre aux besoins de nouvelles compétences. Elles définissent souvent le soi-disant « écart de compétences », la différence entre l’état de compétences actuel et l’état de compétences désiré dans une entreprise. Sur la base d’une telle révision, elles peuvent définir des modèles pédagogiques et se connecter aux autres entreprises ou aux établissements d’enseignement. Sur la base de telles révisions, de nouveaux modèles de compétence peuvent également être crées pour l’ensemble de l’industrie. Un exemple de Slovénie (le Centre de formation interprofessionnelle Škofja Loka) a été souligné, qui connecte les entreprises, les établissements d’enseignement et les institutions de développement et de recherche, tout en étant financé à la fois par les fonds publics et les fonds d’entreprises.

Afin de réduire l’écart dans les compétences, les entreprises utilisent différentes stratégies. Les plus fréquentes sont le recyclage du personnel, d‘autres environnements ou d’autres domaines, en offrant des stages et en encourageant la circulation du personnel. Ce faisant, ils s’aperçoivent que les jeunes (millénaires) voient le marché du travail différemment des autres générations. Ils ne satisfont pas seulement au besoin de survie, mais ils s’attendent aussi à d’autres aspects de la qualité de vie sur le lieu de travail et depuis le lieu de travail (réseautage social, réalisation d’une mission personnelle, appartenance ...)

L’aspect humain doit toujours être au cœur du processus éducatif, même lorsqu’il s’agit  de l’industrie 4.0. Le risque est que nous abordions uniquement les compétences professionnelles et technologiques dans la formation et que nous oubliions les rapports et les attitudes. Comme but pédagogique clé dans le monde 4.0, spécialement parmi les jeunes, on a souligné la consolidation de la motivation personnelle pour le travail et la compétence en matière d’autogestion.

Les programmes pédagogiques doivent également être évalués compte tenu de l’aspect de la satisfaction des travailleurs et de la qualité de leur travail et de leur qualité de vie. En abordant ces deux domaines, les aspects communautaires de la formation (formation dans et pour la communauté) ont été fortement démontrés. L’inclusion de la population dans les différentes communautés est extrêmement faible dans quelques environnements. La relation correcte entre l’apprentissage électronique et l’apprentissage « en direct » doit également être pris en considération.

Le dialogue social dans le monde et l’industrie 4.0

Dans les diverses sources en ligne et autres, le côté technologique de l’industrie 4.0 est présenté de façon très détaillée et positive, et son impact sur les travailleurs est exposé et étudié dans les moindres détails. Les tendances mondiales créent en particulier des emplois atypiques. Les relations de travail (contrats) sont individualisées et les accords entre les employeurs et les travailleurs ne sont pas approuvés, dans de nombreux cas, par les syndicats et les conventions collectives. La flexibilité des emplois est ainsi réalisée à plusieurs niveaux : temporelle (disponible à n’importe quel moment, spatiale (travailler de n’importe où), travailler pour des employeurs multiples, performance simultanée de plusieurs activités différentes. Les groupes vulnérables, telles que les jeunes femmes, sont particulièrement exposés.

Les syndicats et les autres organisations consacrent beaucoup de temps à réfléchir et à se poser la question de savoir comment combiner la flexibilité requise et la sécurité sociale nécessaire aux lieux de travail. La question de savoir comment les inclure aux formes atypiques d’emploi est très importante. Le fait est qu’il est nécessaire d’œuvrer à l’établissement de normes pour ces formes d’emploi, en dépit du fait que ce genre de personnel n’est pas habituellement inclus dans les syndicats. Les normes réduites dans les formes atypiques d’emploi réduisent indirectement les normes et par conséquent la qualité des emplois dans les formes régulières d’emploi.

Le pilier européen des droits sociaux est l’une des solutions possible. Les processus de sa création et sa mise en œuvre doivent être uniformément intensifiés. Il est également nécessaire de réfléchir sur le type d’offre que les syndicats et les autres « organisations de travailleurs » peuvent apporter aux porteurs des nouvelles formes d’emploi atypiques.