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La responsabilité sociale des entreprises dans la chaîne européenne de production et d'approvisionnement en textiles et vêtements

Le séminaire portant sur « La responsabilité sociale des entreprises dans la chaîne européenne de production et d'approvisionnement en textiles et vêtements » s’est déroulé à Elewijt, en Belgique, le 27 et le 28 septembre 2017, organisé par Recht en Plicht, avec l’aide financière d’EZA et de l’Union européenne. Soixante-trois représentants de quinze organisations syndicales différentes du secteur du textile, de l’habillement, du cuir et des chaussures ont participé activement au séminaire.

Jan Callaert, Secrétaire général d’ACV-CSC METEA, a donné une introduction générale sur le thème et a insisté sur l’importance du dialogue social bien organisé dans la chaîne de production toute entière, incluant l’Europe. 

Lorsque nous parlons de la chaîne logistique, nous pensons habituellement aux marques principales qui produisent en Asie, où les travailleurs travaillent dans de mauvaises conditions et perçoivent de bas salaires (Bangladesh, Cambodge, Chine, Inde, Indonésie, Malaisie, Sri Lanka…). Dans les médias, nous voyons régulièrement des images de bâtiments effondrés ou d’incendies faisant de nombreuses victimes. Nous pensons particulièrement, entre autres, à la Rana Plaza au Bangladesh. En tant que syndicats et organisations non gouvernementales, nos projets visent à améliorer les salaires et les conditions de travail de millions de travailleurs dans l’industrie textile et de l’habillement en Asie.

Mais le problème ne se limite pas lui-même à l’Asie. Également en Europe, les marques telles qu’Hugo Boss, Adidas, que Zara, H&M ou Benetton essaient de produire à des coûts aussi bas que possible. Cela équivaut à économiser sur les coûts de production tels que les salaires et les conditions de travail. Dans de nombreux cas, produire en Asie devient trop cher, de sorte que ces marques se tournent vers des pays tels que l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la Géorgie, la Macédoine (ARYM), la Moldavie, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Turquie et l’Ukraine. Le salaire qui est réellement payé ne représente souvent qu’une fraction du salaire permettant de subvenir à ses besoins dans ces pays.

On a aussi beaucoup de choses à dire sur les longues heures de travail et les conditions de travail, autant pour la sécurité. Au cours de ce séminaire, avec un peu de chance, nous tirerons la leçon des situations concrètes dans différents pays. Le consommateur est souvent montré du doigt. L’excuse est que le consommateur ne veut pas payer un prix plus élevé pour les produits fabriqués sous un salaire et des conditions de travail décents. C’est totalement faux. En fait, les bénéfices sont engrangés principalement par les marques et le commerce.

On a déjà beaucoup fait en Europe occidentale où les centres de décision sont établis. Et  pourtant, nous devons saisir chaque occasion d’aider nos collègues non seulement en Asie, mais également en Europe orientale et en Turquie. D’où l’idée d’organiser un séminaire d’EZA sur ce thème.

Luc Triangle, Secrétaire général chez IndustriAll Europe, a donné un aperçu des activités au sein du dialogue social européen dirigé par IndustriAll dans le secteur du textile, de habillement, du cuir et des chaussures. En dépit du fait que quatre millions d’emplois ont disparu au cours des quatre années passées, ce secteur est encore l’épine dorsale de l’industrie européenne, notamment étant donné que le secteur du textile est lié à l’énergie et au commerce. Au sein du dialogue social, nous continuons à nous concentrer sur les négociations collectives et nous nous opposons strictement à la tendance libérale à limiter le dialogue au niveau de l’entreprise ou au niveau individuel. Pour nous, il est essentiel de développer un réseau européen pour les syndicats et les organisations socialement inspirées à échanger leurs points de vue et leurs expériences. Au cours des prochaines années, IndustriAll continuera à développer ce « pouvoir syndical » à travers la structuration et l’organisation des différentes organisations textiles et en attirant les membres.

Luc a aussi expliqué le but du projet européen d’IndustriAll qui est de démarrer le dialogue social dans les chaînes de production européennes du textile et de l’habillement. Ce projet consiste en trois phases différentes.

Tout d’abord, la cartographie des différentes chaînes de production en Europe, en collaboration avec la campagne en faveur des vêtements équitables. Non seulement il est important de cartographier les chaînes de production mais aussi les marques, la clé étant entre leurs mains. Deuxièmement, les syndicats et les organisations non gouvernementales concernés seront rassemblés, les syndicats en tant que négociateurs et les organisations non gouvernementales en tant que fer de lance de la campagne. Les deux perspectives sont importantes au sein du dialogue social. Troisièmement, une stratégie sera développée pour augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail de tous les travailleurs de la chaine de production. Notre succès ne dépend pas seulement de Bruxelles ou de Genève, mais plutôt de la collaboration étroite avec tous les acteurs concernés.

  • Jyrki Rayna, Ex-secrétaire générale du syndicat mondial IndustriAll, a esquissé les problèmes dans les chaines de production du textile et de l’habilement en Europe. Apparemment, la situation en Europe est aussi critique que dans les pays asiatiques à bas salaires. Nous remarquons même qu’il y a une délocalisation des chaînes de production de l’Asie vers l’Europe. Voici les principales observations :
  • Un faible taux de syndicalisation, moins de 10 %
  • De faibles salaires et de longues heures de travail
  • Presqu’aucune convention collective
  • Une grande proportion entre les mains du secteur informel
  • Les syndicats ont des ressources/moyens insuffisants pour résister
  • Les syndicats ne sont pas bien organisés, ne sont pas structurés et manquent de stratégie
  • La présence d’organisations non gouvernementales pour faire campagne

Outre les observations de Jyrki, tous les participants ont eu l’occasion de présenter et de commenter la situation dans leur pays. Voici les idées principales :

  • Dans le secteur européen du textile et de l’habillement, les salaires sont généralement  inferieurs aux salaires minimum, menant donc à la pauvreté. Les travailleurs non qualifiés en particulier perçoivent de bas salaires.
  • Le dialogue social est difficile, principalement parce qu’il n’y a pas de fédérations d’employeurs. Lorsque que les conventions collectives sont conclues, elles ne sont généralement pas appliquées.
  • Le secteur du textile et de l’habillement se heurte à un énorme problème d’image. Les jeunes travailleurs quittent le secteur et leur pays pour percevoir de meilleurs salaires ailleurs en Europe.
  • Il y a un manque de formation décente.
  • Dans la plupart des pays, la législation limitée sur le travail/l’emploi a été réduite au détriment des travailleurs et des syndicats.
  • Le problème du taux de syndicalisation. Les travailleurs ont peur de perdre leur emploi s’ils deviennent membres d’un syndicat.
  • L’augmentation du nombre de contrats précaires.
  • L’importance de la solidarité entre les travailleurs et les comités d’entreprise européens.
  • Cependant, on trouve des exemples positifs en Pologne et en Slovénie où l’on essaie de travailler avec ses propres marques.

Quatre études de cas ont été présentées :

  • Jessie Van Couwenberghe, CSC international, a expliqué en quoi consistait la campagne des « Vêtements sportifs propres ». On demande au consommateur de n’acheter que des vêtements ayant été produits dans des conditions socialement acceptables.
  • Bettina Musiolek, coordinatrice de SKC, pour l’Europe orientale et méridionale, a commenté les deux rapports sur le « Paiement d’un salaire permettant de subvenir à ses besoins », Elle a aussi expliqué ce que l’on entendait par un « Salaire permettant de subvenir à ses besoins ». Pour définir ce qu’était un salaire permettant de subvenir à ses besoins, elle a expliqué que le prix de la nourriture, le loyer et le logement, les soins médicaux, l’éducation, l’habillement, la mobilité et l’épargne étaient pris en compte.
  • Dans le cadre du dialogue social au niveau de l’entreprise également, une attention particulière a été portée aux salaires et aux conditions de travail des usines de production en Europe méridionale et orientale. Cela a été clairement démontré par les partenaires sociaux de Van De Velde, une entreprise de sous-vêtements pour femmes. Cette entreprise produit en Belgique, en Chine, en Hongrie et en Tunisie. Le PDG, Herman Van De Velde, le secrétaire du syndicat, Carl De Clercq et le militant, Kenneth Famelaer, ont tous clairement illustré ce cas.
  • Finalement, Jacob Plat, dirigeant du syndicat néerlandais du textile FNV, a fait une présentation de l’accord sur « L’habillement et le textile durable » obtenu par les partenaires sociaux et les politiciens.

Après les discussions intensives entre les participants, les conclusions et les étapes suivantes ont été formulées :

  • Objectifs pour l’avenir :
    • Continuer à développer et à aider les syndicats en termes d’organisation et de stratégie.
    • Renforcer le dialogue par le biais de la consultation collective qui doit déboucher sur des conventions collectives exécutoires.
    • Lancer un mouvement puissant en faveur de salaires plus élevés afin d’obtenir des salaires permettant de subvenir à ses besoins.
    • Développer davantage de capacité syndicale en soutenant et en formant les délégués syndicaux.
  • Cartographie des chaînes de production dans le textile et l’habillement avec une attention particulière à la présence des marques et de la situation des syndicats.
  • Organiser des ateliers nationaux sur la base de la cartographie afin d’obtenir des stratégies claires via la formation des représentants syndicaux.
  • Établir des contacts et créer un réseau avec les syndicats d’Europe occidentale (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Suède. Espagne...).
  • Engager le dialogue avec les grandes entreprises (sociétés CFA et ACT).
  • Engager le dialogue avec les fédérations d’employeurs concernées.
  • Collaborer avec des organisations non gouvernementales (campagne en faveur des vêtements propres) et centres de formation.
  • Définir une stratégie de communication claire.
  • Lancer une campagne européenne pour améliorer les salaires et les conditions de travail dans les chaînes de production.
  • Il est important de ne pas imposer de solutions mais de proposer des stratégies.