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31 revendications pour une meilleure Europe

La contribution d'EZA à la Conference on the Future of Europe.

FOTO: EC AV Service

Les participants se sont réunis dans quatre ateliers d'EZA pour débattre de l'avenir de l'UE. Le résultat est 31 demandes qui seront soumises comme contribution à la Conférence sur l'avenir de l'Europe.

Le Centre européen pour les travailleurs (EZA) salue la Conférence sur l'avenir de l'Europe (Conference on the Future of Europe – CoFoE), un processus permettant un débat à l'échelle européenne sur la future configuration de l'UE avec la participation des citoyen·ne·s. L'UE est confrontée à d'énormes défis de politique étrangère, de commerce mondial, de changement climatique, de transition énergétique, de transformation de son économie en économie durable et climatiquement neutre, de pandémie, de cohésion sociale sous l’angle de la fracture sociale et de la capacité d'actions communes.

Notre conviction est que l'UE doit saisir ce kairos pour se hisser à la hauteur des objectifs initiaux de sa génération fondatrice et avoir le courage de réformes et d’actions globales pour la prochaine génération.

De la présidence conjointe de la Conférence et de toutes les instances de l’UE et nationales compétentes, notre attente est de ne pas rater cette occasion et de ne pas décevoir les citoyen·ne·s de l’UE engagés dans le processus de cette Conférence. L’UE doit recourir à toutes les dispositions des traités de l’UE et assurer une transparence totale du suivi des contributions à la Conférence. Amender les traités ne doit pas être tabou. Il est d’une importance primordiale pour la crédibilité de l’UE que la Conférence soit immédiatement suivie de propositions de changements concrètes et engagées.

En tant que réseau d'organisations de travailleurs et travailleuses, nous apprécions l'implication structurelle des partenaires sociaux dans le processus.

L’EZA souhaite soumettre les réflexions et propositions qui suivent, fruits de débats et d’un forum final qu’EZA a organisés pour ses membres. Les sujets mis en relief lors de ces débats sont : valeurs de l'UE/démocratie/état de droit – le modèle économique européen/les affaires sociales/la santé – le changement climatique sont les sujets prioritaires pour les membres d’EZA.

Valeurs de l’UE – démocratie – état de droit

  1. L'Union européenne est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l'égalité, de l'état de droit et des droits humains, dont ceux des personnes appartenant à des minorités (art. 2 du Traité sur l'Union européenne (TUE)). Pacifier et réconcilier les peuples européens était le principe fondateur à l’origine de l'intégration européenne. Nous attendons des décideurs actuels et futurs de l'Union européenne de considérer ces valeurs comme les vecteurs fondamentaux du développement futur de l’UE.
  2. Les pressions exercées sur ces valeurs n’ont cessé de grandir. Le retour du nationalisme ainsi que la montée du populisme, tous deux encourageant l’euroscepticisme, conjugués à la xénophobie, ont affaibli l'esprit communautaire et la cohésion de l'UE. L'Union européenne doit réagir avec la fermeté qui convient pour promouvoir et faire respecter ses valeurs.
  3. Le respect mutuel et la tolérance doivent être encouragés dans nos sociétés multiculturelles et multireligieuses. L’UE doit mettre l’humain au centre, se focaliser sur les citoyen·ne·s et leur appartenir. Les citoyen·ne·s européen·ne·s sont présent·e·s dans différents cercles d’appartenance, qui commencent par la famille. Ce sont les vecteurs d’un espace européen ouvert et commun. Les organisations de base doivent être considérées comme des acteurs essentiels de promotion de la prospérité de la société, d’une compréhension large et commune entre les citoyen·ne·s européen·ne·s. C’est pourquoi, un soutien financier plus conséquent pour ces organisations est nécessaire.
  4. Les valeurs européennes et son modèle social doivent être le socle de la politique étrangère et des relations commerciales de l'UE. L'UE devrait notamment renforcer son soutien au processus de transition des pays des Balkans occidentaux et offrir une perspective d'adhésion plus concrète, dont un échéancier.

    Démocratie
     
  5. Nous soulignons la nécessité d’une démocratie plus participative et délibérative pour compléter et renforcer la démocratie représentative, pas pour la remplacer. Les processus démocratiques doivent se diversifier dans un cadre complémentaire de la démocratie représentative pour accroître l’inclusivité de l’élaboration de politiques dans laquelle s’inscrit une meilleure acceptation des décisions politiques – notamment celles qui sont controversées. Les citoyen·ne·s devraient être encouragé·e·s à prendre une part active dans la démocratie nationale et de l’UE. Une large participation politique donne un meilleur sentiment d’être chez soi dans la société. Le temps est venu de l’instauration d’un mécanisme permanent d’application de l'art. 11.1 du TUE (art. 11.1 : Les institutions donnent, par les voies appropriées, aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d'échanger publiquement leurs opinions dans tous les domaines d'action de l'Union.) et l’art. 11.2 du TUE (art. 11.2 : Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile) en établissant une plateforme permanente du type Eleven2.
  6. L'équilibre des pouvoirs entre les institutions de l'UE et le processus décisionnel institutionnel actuel doivent être revus :
    1. Le rôle du PE doit être renforcé. Le PE, en tant que seul organe européen directement élu, devrait être placé au cœur du système politique européen, et doit se voir conférer le droit d'initiative législative. Dans le même temps, l'autonomie des partenaires sociaux doit être respectée.
    2. Le principe de la prise de décision à l’unanimité au Conseil doit être dépassé et le principe de la prise de décision à la majorité qualifiée doit être étendu.
  7. L'influence croissante de la grande économie/des entreprises multinationales, de plus en plus présentes dans la prise de décision politique, est une menace réelle pour la démocratie. Nous exhortons tous les niveaux politiques à en prendre conscience et à donner une importance primordiale à la transparence.
  8. L'UE doit renforcer les connaissances politiques et démocratiques de ses citoyen·ne·s (éducation civique). Comprendre le mode de fonctionnement de l'UE et ses valeurs doit se transmettre aux nouvelles générations et être mieux ancré dans les programmes d'enseignement et d'apprentissage tout au long de la vie.
  9. L'UE doit améliorer la réglementation des médias sociaux pour combattre les discours de haine, la sédition, la désinformation et la discrimination dans l’anonymat de l’internet sans saper le droit fondamental de la liberté d’expression et doit investir massivement dans la lutte contre les attaques internes et externes qui ébranlent les processus électoraux et de gouvernance démocratiques. La nouvelle réglementation doit inclure des précautions en matière de vie privée, conformément au RGPD et éviter l'utilisation abusive de l'anonymat dans les médias sociaux. Dans le même temps, l’éducation aux médias/les compétences médiatiques des citoyen·ne·s doivent être renforcées.
  10. La subsidiarité, principe primordial des traités de l’UE, contribue au bon fonctionnement de la démocratie européenne s’il va de pair avec les principes de solidarité et responsabilité. La subsidiarité fonctionne le mieux au profit de la population dans un système de compétences définies et complémentaires, mises en œuvre dans un modèle de gouvernance à plusieurs niveaux prévoyant une coopération fonctionnelle étroite entre les différents niveaux de gouvernement qui se soutiennent mutuellement. La pandémie, en tant que défi mondial, a révélé la nécessité d'une action commune au niveau de l'UE, bien que la santé ne soit pas une compétence de l'UE.
  11. Nous nous référons à l’exemple du « processus de Pise » dans le domaine de l'éducation pour exhorter les États membres à travailler selon une méthode de coopération volontaire et ascendante au niveau de l'UE. Dans les domaines de compétence nationale (santé, climat, énergie et autres), il est très important d'agir sur la base des besoins des citoyen·ne·s, en s'appuyant sur des faits et des arguments, en reliant les compétences aux responsabilités, en utilisant la gouvernance multi-niveaux comme outil, en prenant les intérêts communs comme base et en construisant progressivement, étape par étape, la coopération multi-niveaux.

    État de droit
     
  12. Le principe de base de l’état de droit est incarné par la séparation des pouvoirs. L'UE a besoin de nouveaux instruments qui permettent des actions efficaces en cas de violation des valeurs de l'UE par les États membres. Le mécanisme prévu par l'art. 7 du TFUE est insuffisant. Il est donc important que tout nouvel outil poursuive la finalité de l’objectivité et de la proportionnalité.
  13. Au-delà de l’application institutionnelle, la démocratie et l’état de droit sont perçus comme une responsabilité à plusieurs niveaux de la société civile. Nous proposons que soient créés des points d'information et de réflexion régionaux et locaux par une agence européenne pour offrir aux citoyens une plateforme protégée où ils puissent partager leurs expériences et réfléchir aux modalités de protection des droits humains sans crainte d’être menacés.

    Nouveau modèle économique et social européen / affaires sociales
     
  14. La démocratie dans l'UE ne pourra prévaloir que si sa dimension sociale est revalorisée, en réalisant la cohésion sociale et en mettant effectivement en œuvre la devise de « ne laisser personne de côté ». En cas de conflit, les droits sociaux fondamentaux priment sur les objectifs économiques. Cela signifie que l’être humain doit être placé au centre. En conséquence, la démocratie sur le lieu de travail doit être renforcée.
  15. L'UE doit continuer à faire évoluer son modèle économique vers une économie de marché éco-sociale, en soutenant en particulier les pays confrontés à des défis de transition spécifiques. L'objectif d'une économie neutre sur le plan climatique à l’horizon 2050 ne doit pas être dilué et concilié avec la compétitivité économique. L'économie circulaire et sociale devrait être promue. Le Socle européen des droits sociaux devrait devenir juridiquement contraignant.
  16. La pensée économique centrée sur le PIB peut être dépassée en repensant et en redéfinissant le Pacte de stabilité et doit être complétée par une nouvelle boîte à outils pour mesurer le bien-être, le progrès social et la durabilité en Europe. Des aspects tels que l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le droit à la déconnexion, la couverture du système de sécurité sociale, des services de santé abordables et accessibles, l'égalité d'accès à une éducation de qualité, l'égalité des chances sur le marché du travail, la couverture de la négociation collective, une réglementation du travail efficace dans les entreprises multinationales sont autant de données qui en font partie.
  17. La numérisation de l'économie européenne et sa durabilité doivent aller de pair avec des mesures globales pour une transition socialement équitable et juste (requalification et reconversion des travailleurs et travailleuses, apprentissage tout au long de la vie, réforme complète des systèmes éducatifs/enseignements et formations professionnels pour répondre aux nouveaux besoins de l'emploi, accroître la résilience...).
  18. La réussite du marché unique et la mobilité de la main-d'œuvre requièrent une meilleure coordination des systèmes de sécurité sociale et un salaire minimum garanti au niveau européen. Les politiques salariales doivent être coordonnées pour éliminer le dumping social.
  19. Les personnes vulnérables sur le marché du travail doivent être mieux protégées : travailleurs pauvres, jeunes, personnes handicapées, LGBTIQ+, victimes de harcèlement, migrants, travailleurs de plateformes, etc. L'écart de rémunération entre hommes et femmes doit être comblé.
  20. Dans le débat sur l’avenir de l’Europe, l’UE doit particulièrement insister sur l’avenir de la jeune génération. La précarité et l’instabilité sont déjà la norme pour de nombreux jeunes. Le manque de perspectives ébranle leurs choix de vie, notamment la création d’une famille.
  21. Le dialogue social et la négociation collective font partie de l’économie de marché sociale européenne. Ils renforcent la démocratie sur le lieu de travail et dans la société européenne. Ils contribuent à plus de justice, à une meilleure productivité et compétitivité. Par conséquent, le dialogue social, la négociation collective ainsi que la couverture par des conventions collectives et les droits des travailleurs et travailleuses doivent être encore intensifiés.
  22. Le credo de l'Union de ne laisser personne de côté doit se traduire par des actions contre la subsistance de zones défavorisées en Europe. Des initiatives supplémentaires devraient être entreprises pour redéployer ces zones, enrayer la fuite des cerveaux et l’exode des personnes qualifiées et des jeunes.

    Santé
     
  23. L’UE doit évoluer vers une Union européenne de la santé en transférant plus de compétences en matière de santé au niveau de l’UE.
  24. Le secteur des soins de santé dans l'UE se développe en spirale destructrice à la baisse avec un tourisme médical de citoyen·ne·s d'Europe de l'Ouest vers des services de santé privés d'Europe de l'Est et, simultanément, la migration de travailleurs et travailleuses de santé hautement qualifié·e·s d'Europe de l'Est vers des emplois moins qualifiés en Europe de l'Ouest. Cette mobilité destructrice sape les principes 16 et 18 du Socle européen des droits sociaux, résultat notamment de l'organisation du marché unique et des mesures d'austérité.
  25. Toute personne dans l'UE a le droit d’accéder en temps utile à des soins de santé préventifs et curatifs et de longue durée abordables et de bonne qualité.
  26. Dans le contexte de la pandémie mondiale actuelle, l'UE doit investir dans un système de sécurité sociale fort, capable de soutenir des systèmes de santé bien équipés organisés par l'administration publique ainsi que des initiatives à orientation sociale ou de l'économie sociale, et de garantir de bonnes conditions de travail et une rémunération équitable au personnel médical et aux travailleurs de la santé. Les plans nationaux de la FRR devraient en tenir compte.
  27. Nous demandons à l'UE d’adopter des mesures inspirées des conclusions du rapport de l’EU-OSHA 2021 sur les soins de longue durée, dont une grande partie de la main d’œuvre a des problèmes de santé engendrés par les conditions de travail difficiles. Doivent y être intégrés l'équilibre entre vie professionnelle et privée, le harcèlement moral et la sensibilisation à la santé. Les États membres devraient ratifier la convention de l’OIT sur l’élimination de la violence et le harcèlement dans le monde du travail.
  28. L'UE doit continuer à travailler à un cadre qui garantit des conditions de travail saines. Les syndicats et autres organisations de travailleurs doivent contribuer au respect des réglementations légales en matière de santé et de sécurité au travail par les entreprises. En particulier, le rôle et les ressources des inspections du travail devraient être renforcés.

    Changement climatique – transition juste
     
  29. L’absence de l’adoption des mesures nécessaires à une économie durable engendrera un cimetière social. Croire aux possibilités d'un avenir durable n'est possible qu'en travaillant avec les partenaires sociaux à une transition juste et équitable, qui ne laisse personne de côté. L’UE doit démontrer que le changement est possible en partageant l’expérience acquise dans le réaménagement d’anciennes zones industrielles non durables en zones industrielles durables tournées vers l’avenir.
  30. L'UE doit soutenir des campagnes qui engagent activement les citoyen·ne·s, consommateurs et consommatrices d'énergie, de nourriture, de vêtements, de services, de transports, de logements, etc. (de la quantité à la qualité – de l'égo- à l'éco-personnalisme). Syndicats, organisations de travailleurs, mouvements sociaux et autres organisations de la société civile peuvent jouer un rôle de relais. L'éducation des enfants et adultes à l’environnement devrait se développer.
  31. L'UE devrait adopter une législation sur le devoir de diligence, garantissant le respect de l’environnement et des droits humains dans toute la chaîne d'approvisionnement. Il est impératif d’éradiquer le travail forcé, le travail des enfants, l'accaparement des terres, la pollution, etc. Il est nécessaire d’appliquer la législation sur le devoir de diligence aux fournisseurs de l'UE et de pays tiers et d’assurer l’étiquetage correspondant des produits (traçabilité).